Immobilier : ces villes reconfigurées par l'intelligence artificielle

Avoir accès à un nombre considérable de données, c'est bien. Pouvoir les analyser en un temps record de façon précise et fiable afin d'optimiser leur exploitation, c'est mieux. C'est ce qu'apporte l'intelligence artificielle (IA) aux collectivités locales, aux acteurs de l'immobilier et de l'urbanisme ou encore aux enseignes commerciales dans l'exploitation des énormes volumes de données dont ils disposent, pour orienter et planifier leurs projets.

Environnement , développement économique, mobilité, habitat, commerce, tourisme, consommation énergétique…, toutes ces problématiques d'aménagement urbain passent désormais au révélateur des analyses de l'IA. « Capables de synthétiser très vite la quantité considérable des données produites par les collectivités locales, de nouvelles solutions d'IA aident à concevoir des projets urbains plus pertinents et beaucoup plus rapidement », indique Julien Schnell, président d'Urbanica, agence d'architecture, d'urbanisme et de paysage. Urbanica utilise notamment ce type d'outil pour simuler les impacts climatiques , sonores, énergétiques, économiques ou de circulation urbaine de ses études de formes de bâtiments ou de développement d'un nouveau quartier. « Ces outils aident à une conception plus juste d'un projet d'urbanisme », souligne-t-il. 

Algorithmes intelligents 

Illustration : la ville de Noisy-le-Grand en Seine-Saint-Denis (93) se sert d'algorithmes intelligents pour l'aider à réduire de 20 % en deux ans et de 50 % d'ici à 2030 la consommation énergétique de ses 200 bâtiments publics dans le cadre de son projet Recital (Réduction énergétique immédiate et à long terme). L'idée est de mettre en place une solution numérique de pilotage en temps réel des consommations énergétiques dans les bâtiments, couplé à l'intelligence artificielle pour proposer des solutions optimisées d'utilisation et de rénovation. 

« L'IA nous aide à travailler sur les usages des bâtiments. A partir de données des compteurs électriques intelligents collectées par une plateforme, nous faisons tourner des algorithmes sur les agendas d'ouverture des bâtiments pour mieux utiliser l'énergie en fonction des contraintes thermiques », explique Philippe Sajhau, le directeur de la donnée et de l'innovation de la ville de Noisy. 

Images aériennes et satellites

Agences d'urbanisme et collectivités locales utilisent notamment des solutions d'apprentissage automatique pour l'interprétation d'images aériennes et la détection d'objets. L'Institut Paris Région, l'agence d'urbanisme et d'aménagement de la région Ile-de-France, emploie un outil de deep learning pour lui apprendre à détecter l'ensemble des toitures de la région. 

« Il permet de cartographier la totalité des toitures et leur inclinaison afin d'identifier celles les plus susceptibles de recevoir des panneaux solaires, en fonction de l'irradiation solaire de leurs surfaces et le potentiel de production d'électricité annuel de leurs bâtiments respectifs. Ces données sont destinées aux acteurs de l'énergie », expose Laurie Gobled, la directrice des systèmes d'information de l'institut. 

De même, Bordeaux Métropole utilise ce type de solution pour cartographier sur des images aériennes et de satellites la présence de détritus dans la ville afin d'optimiser les tournées de nettoyage ou pour repérer arbres et arbustes afin de servir son ambition de planter un million d'arbres. 

Retranscrire les flux réels

L'IA sert également les foncières de centres commerciaux et les commerces dans leurs projets de développement immobilier. Ainsi, la start-up Mytraffic (spécialisée dans la collecte et l'analyse de données de fréquentation piétonne et automobile) l'utilise pour accompagner les enseignes commerciales dans leurs stratégies d'implantations, conseiller les acteurs de l'immobilier sur l'attractivité des zones commerciales et soutenir les villes moyennes dans la redynamisation de leur centre-ville. 

« Nous utilisons des algorithmes intelligents qui retranscrivent les flux réels de déplacements des usagers à partir d'échantillons de données de trafic que l'on collecte. Ces informations réelles sont accessibles par nos clients pour leur cas d'usage », révèle Julien Thooris, le directeur marketing et commercial de Mytraffic. Ainsi, l'IA a participé à améliorer l'attractivité commerciale et touristique d'Albi (Tarn) avec l'implantation de neuf enseignes commerciales en centre-ville. 

Elle a conduit le gestionnaire immobilier Redevco à identifier la typologie de ses immeubles commerciaux en fonction de leur localisation et a permis d'accélérer les nouvelles ouvertures de magasins de l'enseigne d'épicerie fine Le Comptoir de Mathilde, en permettant d'identifier rapidement des emplacements adéquats en fonction de la fréquentation piétonne réelle. 

Par Bruno Mouly – Les Echos - Publié le 11 mars 2024 à 15:02 - Mis à jour le 12 mars 2024 à 07:38