Et si nous (re)placions l’agent au cœur de la transformation numérique de l’administration ?

L’objectif de tendre vers 100% de démarches administratives numérisées dans le cadre d’Action Publique 2022 apparaît ambitieux et promet de révolutionner notre relation avec l’administration. Si ces progrès du service public bénéficient sans aucun doute à l’usager, quelles en sont les implications pour l’agent ?

La transformation numérique impacte fortement l’agent public

De nombreuses démarches sont aujourd’hui dématérialisées, simplifiant ainsi les relations de tout un chacun avec l’administration publique. Il est par exemple possible (et depuis bien longtemps !) d’effectuer sa déclaration d’impôts en ligne ou, depuis le 6 novembre dernier, de demander son certificat d’immatriculation sur internet. Ces avancées, perceptibles par le citoyen, masquent cependant une certaine inertie, et pour cause : l’agent public serait le grand oublié de la transformation numérique. Alors qu’il fait figure d’élément-clé sur lequel repose l’administration publique, il semble en effet dans bien des cas subir les évolutions plutôt que d’y contribuer. Or, si l’on se fie au principe de symétrie des attentions qui postule que la qualité de la relation agent/usager est dépend de la qualité de la relation agent/administration, il paraît aujourd’hui essentiel d’encourager davantage l’agent à s’approprier les outils numériques et à tirer parti des bénéfices qu’ils apportent.

Si la dématérialisation et l’automatisation des tâches sont parfois perçues comme des menaces pour l’emploi des agents publics (cf. rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi), il s’agit aujourd’hui de démontrer à l’agent que la modernisation peut être pour lui une véritable opportunité : montée en compétences, recentrage sur des tâches à forte valeur ajoutée, simplification des procédures internes, outillage performant et au service de l’amélioration des conditions de travail… Pour ce faire, un seul mot d’ordre : replacer l’agent au cœur de la transformation numérique de l’administration.

Enrichir son travail quotidien grâce à un accès simplifié à l’information

En offrant la possibilité d’automatiser les tâches répétitives, le numérique permet à l’agent de se concentrer sur les activités créant réellement de la valeur. Grâce à des outils comme le réseau social professionnel, la généralisation de la visioconférence, l’accès à distance à son poste de travail…il peut profiter d’un accès plus fluide à l’information. L’agent peut désormais accéder plus simplement à des ressources capitalisées, solliciter des expertises, produire et diffuser lui-même une information fiable et utile à ses pairs, facilitant ainsi la prise d’initiative et les processus de décision dans une administration en réseau. L’agent peut, grâce à cette vision élargie que lui confère l’information, s’affirmer pleinement comme acteur des réflexions quotidiennes de l’administration.

Être force d’initiative et renouveler ses modes de travail

Organisation de hackathons, création de plateformes collaboratives, mise en place de laboratoires d’innovation... autant de démarches participatives qui permettent aujourd’hui à l’agent de s’exprimer et d’être force de proposition. Valoriser ainsi l’initiative individuelle tout en capitalisant sur l’émulation et l’intelligence collectives permet d’encourager la genèse de nouveaux projets, mais surtout de fédérer les agents et tirer parti des compétences de chacun.
Mais il ne s’agit pas de s’arrêter à la collecte des idées, au risque de frustrer voire de susciter le rejet de l’agent : lui donner les moyens de mener à bien ses initiatives est essentiel. Cela passe, dans la fonction publique, par un renouvellement profond des méthodes de travail. Adopter une approche collaborative et agile permet par exemple de gagner en efficacité dans la gestion d’un projet, tout en tout en incorporant les attentes des agents ayant été impliqués dans sa construction. Casser les silos et faire le pari de la transversalité encourage en outre l’agent à diversifier ses activités et à développer sa polyvalence.

… Et, avant tout, moderniser son management

Les outils numériques induisent des évolutions profondes dans les missions quotidiennes, les modes de travail, mais aussi les interactions entre l’agent et son écosystème : collègues, supérieurs hiérarchiques, usagers, partenaires, élus… Il semble illusoire d’envisager de telles transformations sans opérer quelques évolutions managériales : il apparaît plus que jamais nécessaire de tendre vers davantage de transversalité (dans l’organisation, les missions, les modes de travail, etc.), de repenser les fondements de la légitimité du manager ainsi que sa capacité à mobiliser les agents, puis de l’accompagner et le former à ce changement de posture. Enfin, il faut encourager et valoriser la mise en place de nouvelles « routines de travail » entre les responsables et les équipes. Mises bout à bout, ces transformations permettront à l’agent d’exprimer tout son potentiel et, in fine, de redonner à son travail quotidien son sens premier : l’accomplissement d’une mission d’intérêt général.

Le Forum de l’Action Publique, qui laisse une grande place à la parole de l’agent, ou les dernières annonces du secrétaire d’Etat au numérique, semblent aller dans le sens d’un recentrage de la transformation numérique du secteur public sur ses agents. Il est cependant nécessaire de transformer ces idées en actions concrètes afin de rentrer progressivement dans l’ère de l’administration 3.0 !

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Yacine Allam
Yacine Allam

Passionné par le secteur public, j'interviens au sein du cabinet Orange Consulting dans l’accompagnement des administrations et des organismes de sécurité sociale dans leur transformation numérique.