Téléconsultation : quels nouveaux usages pour les patients ?

L’e-santé se développe depuis quelques années, autour d’outils comme la prise de rendez-vous médicaux en ligne, l’aide au diagnostic, le carnet de santé en ligne, mais également autour de solutions de télémédecine. Décryptage.

La télémédecine recouvre cinq actes distincts, parmi lesquels la téléconsultation définie par le décret du 19 octobre 2010 comme « permettant à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. La présence d’un professionnel de santé peut assister le patient au cours de cette consultation ». Il s’agit donc d’une action synchrone où le patient et le médecin se parlent.

1/ Une pratique très peu développée en France à ce jour

Selon la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES), il se réalise environ 450 millions de consultations médicales chaque année en France, ce qui correspond à une dépense annuelle d’au moins 10 milliards d’euros pour la Sécurité sociale.

Néanmoins aujourd'hui, 2% seulement des Français ont déjà procédé à une téléconsultation avec un médecin ou une infirmière, selon l'étude « E-santé : faire émerger l’offre française en répondant aux besoins présents et futurs des acteurs de santé » du Pôle interministériel de prospective et d'anticipation des mutations économiques (Pipame), publiée en 2016. L’étude Zava, « e-santé usages et attentes des Français » publiée en 2017, va dans ce sens, en précisant que 13% des français qui utilisent les services de santé en ligne le font pour avoir recours à un professionnel de santé en ligne, dans 11% des cas pour poser une question à un professionnel de santé et dans seulement 3% des cas pour effectuer une consultation médicale. Ces éléments indiquent que la pratique de la téléconsultation demeure très timide en France.

2/Le marché de la téléconsultation se structure après une phase expérimentale

L’année 2014 marque un tournant, puisque des expérimentations ont été lancées en France par les Agences Régionales de Santé en matière de téléconsultation, avec notamment la mise en place de téléconsultations au profit des résidents d’EHPAD. En décembre 2017, le rapport au parlement sur les expérimentations en télémédecine faisait état de 382 actes de téléconsultations facturés auprès des différents régimes de l’assurance maladie sur la période de Janvier à Octobre 2017.

De son côté la médecine de ville expérimente les solutions proposées par des start-up, mais cette pratique n’est pas encore généralisée. Certains médecins proposent à leurs propres patients, notamment ceux qui sont atteints de maladies chroniques des consultations en présentiel au cabinet alternées avec des téléconsultations par plateforme digitale. D’autres médecins font le choix de consacrer une partie de leur temps médical via des plateformes pour des patients qui ne font pas partie de leur patientèle.

La téléconsultation est devenue un standard pour les compagnies d’assurance, mutuelles et institutions de prévoyance qui élargissent leurs services. Le premier assureur à se lancer est AXA en 2015, qui offre un service de téléconsultation médicale pour les salariés assurés dans ses contrats via les médecins généralistes salariés d’Axa. Cet acteur réalise près de 10 000 téléconsultations par an. L’acteur VYV, né du rapprochement des groupes Harmonie, MGEN et Istya vient de faire l’acquisition de la start-up MesDocteurs, VYV souhaite atteindre 2 millions de téléconsultations à l’Horizon 2020. Eovi Mcd mutuelle et Médecin Direct proposent un service de téléconsultation sur plus de 30 spécialités (médecine générale, gynécologie, psychiatrie, …). Malakoff Méderic et Humanis disposent de cabines H4D (Cabine équipée d’instruments de mesure et d’un système de visioconférence qui permet d’établir une prise en charge complète du patient) dans leurs locaux et mesurent la valeur de l’usage auprès de leurs collaborateurs.

Ces démarches constituaient des « tests » sur les usages par les acteurs publics et privés, ces acteurs sont convaincus de l’utilité de ces solutions, mais prennent la mesure d’une lente appropriation des usages qui peut s’expliquer notamment par deux facteurs. Tout d’abord les premiers retours des utilisateurs indiquent que l’un des leviers de performance à travailler est la simplification de l’expérience utilisateur. En outre, un autre frein important à l’essor de la téléconsultation en était le non-remboursement par la CNAM : ce frein est en passe d’être levé puisque des négociations conventionnelles sont en cours avec les syndicats de médecins, pour aboutir à des tarifs partagés et une généralisation des téléconsultations à l’horizon septembre 2018.

3/Quels nouveaux usages pour les patients ?

Cette nouvelle configuration de soins nécessite de penser les usages en partant des utilisateurs, notamment patients. Les avantages sont nombreux pour les patients, que ce soit par exemple pour les actifs qui n’ont pas la possibilité de prendre un congé pour voir un médecin ou par les personnes âgées dont le médecin est trop loin du domicile.

L’étude Zava, mentionnée ci-dessus, nous précise que la téléconsultation intéresse 42% des Français qui se sentent prêts à avoir une consultation en ligne, principalement pour les usages suivants :

  • Renouveler une ordonnance
  • Demander conseil directement à un praticien
  • Traiter des maux « simples » comme une angine
  • Avoir l’avis d’un second médecin
  • Aborder un sujet de santé intime en toute discrétion

Les motivations des patients à utiliser ce service de santé en ligne sont nombreuses : rapidité, praticité, discrétion, manque de professionnels de santé proches de leur domicile, … Du côté des professionnels, les modalités financières de réalisation de ces actes restent encore à valider et seront certainement un point décisif pour l’utilisation de ce dispositif. L’année 2018 est donc cruciale dans l’essor de la téléconsultation, avec son entrée progressive dans les pratiques courantes des professionnels et des patients. La vitesse d’appropriation de ces nouveaux usages dépendra notamment de l’adhérence des solutions aux besoins des utilisateurs, et de la capacité de ceux-ci à se projeter dans cette nouvelle configuration de soins.

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Kim Le Doare
Kim Le Doare

Consultante e-santé pour Orange Consulting, je suis passionnée par le sujet de la santé et les enjeux du digital dans ce secteur. J'accompagne les entreprises du secteur de la santé dans leurs projets stratégiques, innovants de transformation à destination des clients et collaborateurs.