L’innovation managériale en milieu hospitalier : enjeux et perspectives

Bousculés par de nombreux changements, et marqués par une tension forte sur la qualité de vie au travail, les métiers hospitaliers sont sans cesse appelés à s’adapter. A l’hôpital, comme dans d’autres secteurs, il faut s’interroger, coacher, et former pour réussir le changement.

Installer une capacité à appréhender le changement dans les équipes devient clé, comme en témoignent les campagnes de formation au management innovant dans plusieurs établissements de santé. Le rôle du manager hospitalier ne trouve plus sa reconnaissance uniquement au travers d’un statut hiérarchique mais s’incarne désormais dans l’apport d’une vision et d’une raison d’être du collectif.

L’innovation managériale en milieu hospitalier : pourquoi ?

Le quotidien des métiers hospitaliers évolue sous la pression de plusieurs facteurs de changement, et tous les métiers sont concernés : services de soins, mais aussi services logistiques, techniques ou administratifs.

Les facteurs de changement externes sont multiples :

  • contrainte financière impactant le dimensionnement des équipes,
  • rapprochement entre établissements,
  • évolution des modes de prise en charge des patients : développement rapide de l’ambulatoire, de l’HAD, ou encore intégration de nombreux outils numériques dans le quotidien.

En parallèle, à l’hôpital comme ailleurs, les facteurs de changement internes aux équipes sont nombreux : les collaborateurs sont demandeurs de nouveaux modes de travail (recherche d’usages en mobilité par exemple), et leurs aspirations vis-à-vis de leur métier évoluent (gestion de la charge de travail, souhait d’autonomie, recherche de sens notamment dans la direction prise par le collectif…). Ces évolutions peuvent générer un mal-être au travail, et viennent questionner et bousculer les pratiques des équipes, nécessitant de trouver les bons leviers pour les accompagner.

L’innovation managériale en milieu hospitalier : comment ?

Nous présentons ici deux méthodes de management pouvant être mobilisées par les établissements :

Le management participatif

Le management participatif repose sur une implication plus grande de l’équipe dans son propre fonctionnement, gage d’engagement. Dans ce cadre, le rôle du manager dépasse celui d’autorité hiérarchique, car il doit devenir un leader et facilitateur au sein de son équipe ; chercher à fédérer et à « coacher » ses collaborateurs pour qu’ils trouvent des réponses par eux-mêmes. Dans cette démarche, le responsable donne donc des directions mais laisse libres des pistes à emprunter pour avancer.

Ce type de management fait reculer la fonction de contrôle d’un responsable, privilégiant une délégation de pouvoirs à l’équipe et une relation de confiance qui autonomise sur des périmètres précis. Cela passe par un partage des valeurs et orientations portées par la direction d’établissement, pour aider l’équipe à se les approprier, et favoriser ainsi son engagement.

L’agilité

Le développement de l’agilité relève lui aussi de l’innovation managériale, et peut soutenir les managers hospitaliers dans leur gestion d’équipe. Les méthodes de travail agiles développent la capacité d’une organisation à s’adapter, à anticiper les ruptures et changements, et évoluer de manière coordonnée. Au travers de plusieurs « cérémonies agiles » et outils, ces méthodes ont pour objectifs de faire gagner en responsabilité et en proactivité les collaborateurs, ainsi que de développer la transversalité et l’esprit d’équipe au sein d’un collectif.

Ces méthodes ne sont pas complètement nouvelles pour l’hôpital : certaines pratiques peuvent en effet déjà s’apparenter à une gestion agile des organisations, à l’image des transmissions quotidiennes entre soignants (proches des stand-up meeting agiles), ou encore des revues de mortalité et morbidité permettant une analyse collective et rétrospective de cas patients complexes.

Malgré tout, de nombreuses pratiques innovantes peuvent encore être insufflées dans les métiers hospitaliers, qu’ils soient dans les services cliniques, médico-techniques ou administratifs. En voici quelques exemples :

  • développer la « planification collaborative », en proposant à des équipes de se fixer des objectifs sur l’année (ex : sur la gestion des espaces communs dans le service…) et d’identifier les actions à mettre en place,
  • développer le management visuel avec l’affichage d’un planning projet évolutif,
  • au sein des directions, la mise en place d’un « shadow CODIR » constitué de collaborateurs non directeurs peut également être envisagée, avec pour objectif de formuler des propositions sur des chantiers précis du CODIR.

Ces exemples ne sont bien entendu pas exhaustifs, et visent à être complétés en fonction des contextes d’établissements et des orientations choisies par ceux-ci.

Il faut pour cela relever le défi de faire évoluer une posture managériale d’organisateur, parfois « à l’ancienne », fortement ancrée dans certains métiers hospitaliers. Ces méthodes ont néanmoins pour force leur adaptabilité aux spécificités et contraintes des organisations dans lesquelles elles sont déployées : elles proposent des principes d’organisation que les équipes peuvent s’approprier et appliquer à leur mesure. A titre d’exemple, certains métiers de l’Armée interrogent leurs pratiques pour y introduire du management participatif.

Les spécificités des métiers hospitaliers ne sont donc pas des obstacles à l’innovation : elles peuvent au contraire être des opportunités d’engager le dialogue au sein des établissements pour adapter le management au contexte, aux équipes et aux métiers concernés par les besoins d’innovation. Plusieurs actions d’accompagnement peuvent être mises en place pour soutenir cette mutation managériale (coaching, accompagnement des équipes, formation), avec pour finalité l’amélioration de la qualité de vie au travail de l’ensemble des personnels, managers et non managers.

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Lucie Humeau

Consultante dans le secteur de la santé depuis 2014, j’ai d’abord travaillé dans le domaine de la santé publique sur des projets de stratégie, organisation, et évaluation de politiques publiques nationales et locales. Je travaille maintenant sur la e-santé, autour de sujets d’innovation pour des clients du secteur privé.