Collaboration en Réalité Virtuelle : buzz ou avenir ? Retour d’expérience

Démarrer sa journée de travail en enfilant un casque de réalité virtuelle. Cette idée peut sembler toute droit venue du futur. Pourtant, elle fait déjà partie du quotidien d’une équipe d’Orange Silicon Valley. Depuis quelques semaines, une expérimentation de travail collaboratif en réalité immersive y est menée par deux ingénieurs : James Li, responsable de l’informatique spatiale et des expériences immersives et Wilson Lau, responsable Business Group chez Orange Silicon Valley.

Visioconférence et sentiments mitigés

En France, plus d’un tiers des salariés travaillent régulièrement depuis leur domicile. Si les bienfaits du travail hybride sont réels, le fait de collaborer à distance serait responsable d’une perte de lien entre salariés et d’une fragilisation de la cohésion au sein des équipes. Une enquête de Microsoft comparant l’engagement des salariés avant et après la pandémie fait état d’une déconnexion vis-à-vis de leur équipe mais aussi de leur entreprise. Alors que la visioconférence a progressivement remplacé les réunions en présentiel, elle a amené avec elle son lot de désagréments :

  • La disparition des échanges informels,
  • L’absence de contacts visuels,
  • Des difficultés de concentration voire de compréhension. Quel en est le résultat ? Bien souvent une sensation d’isolement.

Recréer du lien entre salariés

C’est la raison pour laquelle Orange Silicon Valley a décidé de mener une expérimentation visant à apprécier les effets de la réalité immersive sur les interactions entre collaborateurs.

A l’initiative de cette expérimentation, deux ingénieurs américains qui souhaitent observer les effets de l’introduction d’un nouvel espace de travail immersif dans la vie quotidienne des salariés : « Nous voulions savoir si cela aiderait à maintenir la cohésion de l'équipe, à engager les employés et à cultiver les relations entre employés au sein de l'entreprise » explique Wilson Lau, convaincu que le métavers, qui promet d’éprouver à distance la même proximité que dans la vraie vie, peut offrir une réponse à la perte de lien en entreprise. En parallèle, le duo a également la charge du développement de nouveaux outils visant à améliorer la productivité et l’engagement des équipes.

Un déploiement en plusieurs phases

A ce jour, il existe plusieurs types de technologies immersives :

  • la réalité augmentée qui a la capacité d’enrichir l’existant,
  • la réalité virtuelle qui immerge l’utilisateur dans un environnement 3D,
  • et la réalité mixte qui permet de déployer une surcouche virtuelle dans un environnement réel

Les entreprises ont, pour certaines, déjà recours aux technologies immersives pour communiquer ou se former. Dans le cas d’Orange Silicon Valley, l’expérimentation porte sur l’introduction d’outils de réalité virtuelle (VR) dans un objectif de collaboration : tous les participants ont été équipés de casques (Oculus Quest 2) et de claviers compatibles avec la VR et invités à s’en servir quand bon leur semble, a minima lors d’une réunion hebdomadaire.

Les outils de visioconférence habituels (Teams, Zoom…) ont été remplacés par des salles de réunion virtuelles. Deux plateformes ont été choisies pour cela : Horizon Workrooms, l’univers professionnel de Meta (ex-Facebook) et la solution de réunions virtuelles Engage VR. L’expérimentation s’est d’abord tenue au sein d’une équipe réduite (6 personnes) avant d’être généralisée à l’ensemble de la direction (marketing, comptabilité, IT…), soit une trentaine de personnes.

Les atouts de la réalité virtuelle : concentration et interaction

« Comparées aux réunions traditionnelles, les réunions dans le métavers sont plus ou moins similaires, reconnait Wilson Lau. La principale différence réside dans l'expérience utilisateur. Si je vous parle par le biais de Teams ou de Zoom, je peux vous voir, mais je n'ai pas l'impression que vous êtes dans la même pièce que moi. La réunion virtuelle est capable de reproduire le sentiment de présence ». Le responsable Business Group est persuadé que « les réunions du métavers pourront aider à recréer le sentiment de proximité. C'est quelque chose que nous voulons tester dans notre essai ».

Bien que l’expérimentation soit toujours en cours, aucune date de fin n’ayant pour l’heure été arrêtée, certains enseignements ont déjà pu en être tirés :

  • Une réaction positive des participants, malgré des niveaux de familiarisation avec le monde virtuel différents, certains y ayant déjà été initiés et d’autres étant totalement novices.
  • Un niveau de concentration plus élevé de l’équipe, en raison du port du masque, car il n’est pas possible de faire deux choses à la fois (comme répondre à des emails, ou consulter son téléphone portable pendant une réunion).
  • Une collaboration simplifiée grâce à Remote Desktop qui offre la possibilité de partager des documents et de travailler à plusieurs dans le même espace de travail en ligne.
  • Plus d’engagement et une facilité à engager la conversation avec ses collègues puisqu’ils semblent se trouver à proximité immédiate. Toute la difficulté repose désormais dans la capacité des ingénieurs à mesurer les bénéfices concrets de la VR sur la productivité des équipes. Un défi qu’Orange Silicon Valley ambitionne de relever avec l’aide de l’Université de Pennsylvanie dans le cadre du programme Mack Institute for Innovation Management, spécialisé dans la recherche en lien avec le monde professionnel.

Des limites encore nombreuses à sa démocratisation

Bien qu’ils semblent apporter des bénéfices concrets par leur capacité à générer une plus grande interaction entre les différentes parties prenantes lors des réunions, plusieurs freins pèsent encore sur les outils de réalité virtuelle :

  • L’inconfort lié au port du masque, principalement en raison de son poids, ce qui limite la durée d’utilisation.
  • Le fait d’être coupé du monde réel : contrairement aux principes de réalité augmentée ou de réalité mixte, la réalité virtuelle projette l’utilisateur dans un monde 100% virtuel. Celui-ci ne voit donc plus ce qui se produit autour de lui dans le monde réel.
  • Le mal des transports : de nombreux utilisateur peuvent être touchés par la cybercinétose, des nausées et des vertiges liés à une dissonance entre le mouvement perçu par la vue et l’oreille interne.
  • Le manque de réalisme des avatars : les usagers se plaignent du design de leur alter ego numérique, jugé trop basique. « Il existe déjà des solutions permettant de réaliser des avatars extrêmement réalistes », avance James Li, qui anticipe leur future intégration aux plateformes de réalité virtuelles.
  • L’ajout d’un geste supplémentaire : le fait de devoir mettre un casque pour pouvoir accéder à une réunion est une étape supplémentaire qui constitue un obstacle à son adoption.

Toutes ces problématiques devraient disparaître à mesure que les casques de réalité virtuelle évoluent pour devenir plus performants : plus légers, plus maniables, plus intuitifs, proposant une meilleure résolution d’image et bénéficiant d’une plus grande autonomie.

Sécuriser le métavers

Plusieurs questions majeures liées au développement des réunions dans le métavers restent pour l’heure en suspens :

  • Faudra-t-il établir des codes de bonne conduite spécifiques aux mondes virtuels ? Les ressources humaines doivent se poser la question des règles à établir au sein de l’espace de travail virtuel. Plusieurs scenarios doivent être considérés : « Quel doit être le code vestimentaire de nos avatars ? Il n’est pas souhaitable que quelqu’un s’habille de manière extravagante pour une réunion d’affaires, alerte Wilson Lau. « Peut-on autoriser les salariés à créer un avatar de sexe différent du leur, ou de couleur différente ? ». L’ingénieur, qui anticipe des situations à risque pour l’entreprise, dit préférer un environnement conservateur, au moins au départ. « Cela évoluera probablement avec le temps lorsque nous serons plus expérimentés et que les entreprises auront éprouvé ces outils à grande échelle. L'industrie doit développer une compréhension commune de ce qui est la meilleure pratique et cela prendra du temps ».
  • Quel type d’informations pourra-t-on communiquer sur ces plateformes ? Existe-t-il un risque de piratage et de fuite d’informations sensibles ? Le cryptage des réunions par les plateformes est-il suffisant pour protéger le contenu des réunions virtuelles ?
  • Quels gages du respect de la vie privée et de la confidentialité des données ? Parce qu’à travers son avatar, l’utilisateur donne accès à des données jamais récoltées jusqu’à présent (expressions faciales notamment), les projets dans le metaverse doivent permettre aux internautes de protéger leurs données biométriques.

Ces points d’interrogation doivent être anticipés dès à présent par les entreprises pour permettre le bon développement de ces outils. Encore au stade embryonnaire dans le monde professionnel, la réalité virtuelle promet déjà de révolutionner nos façons de travailler à distance.

En savoir plus sur Orange Silicon Valley (site en anglais).