Numériser la supply chain, un incontournable pour mieux résister aux crises ?

83 % des entreprises interrogées lors d’une étude d’Orange Business réalisée en 2020 déclarent avoir une meilleure vision des risques liés à leur supply chain qu'il y a un an. Cette prise de conscience, en partie liée au contexte sanitaire, accélèrent la numérisation de la supply chain, vers davantage de performance. Eclairages par Philippe Roger, Directeur Général d’Orange Consulting.

Quelles conséquences de la crise sur la supply chain ?

Depuis un an, la Covid-19 a un fort impact sur la consommation : des productions comme les masques ou les respirateurs sont soudainement devenues critiques, tandis que la demande au sein d’un même secteur d’activité a pu évoluer de manière drastique, à la hausse comme à la baisse.

« Dans l’alimentaire, le recours aux grands contenants pour la restauration a diminué, alors que l’on observe une demande croissante en produits individuels : des changements de volume qui nécessitent des ajustements sur toute la supply chain, aussi bien au niveau des processus digitaux liés à l’emballage, que sur les modes de distribution », illustre Philippe Roger, Directeur Général d’Orange Consulting.

Dans le même temps, la circulation limitée des personnes a parfois contrarié la production et l'acheminement des marchandises. Un phénomène qui encourage les entreprises à dédoubler leurs sources d’approvisionnement et à passer ainsi d’une logique de « just in time » à celle de « just in case ».

Vers une transformation digitale articulée autour de la data

L’étude d’Orange Business révèle que 8 entreprises sur 10 ont accéléré la transformation numérique de leur supply chain pendant la crise de la Covid-19. Leur objectif principal ? Fluidifier la circulation de l’information afin d’optimiser la chaîne dans son ensemble. Un chantier qui a débuté il y a près de trois décennies déjà avec les procédés d’échange de données informatisées (EDI), qui facilitent la communication entre machines et la planification.

« Ce qui est déterminant aujourd’hui, c’est la faculté à partager la donnée en temps réel, à interconnecter tous les acteurs de la chaîne (fournisseurs, producteurs, distributeurs et vendeurs) afin d’ajuster la production ou les niveaux de stock au plus près de la demande », explique Philippe Roger.

Ce partage de la data a constitué un levier important pour relever les défis liés à la crise sanitaire sur le court terme. À titre d’exemple, en cas de variation de la demande ou des conditions de transport (climat, trafic, etc.), la création de jumeaux numériques de la chaîne d’approvisionnement vient simuler des comportements et établir des scénarios (panne, retard, etc.), afin d’alimenter des modèles prédictifs réalisés par les data analysts. Cette modélisation sert ensuite à ajuster la production, à procéder à des actions d’urgence ou à prévenir les autres acteurs de la chaîne.

Des progrès qui soulèvent des défis technologiques et culturels

Cette gestion experte de la donnée s’accompagne de plusieurs défis, à commencer par l’interopérabilité des systèmes et des applications, nécessaires pour croiser de multiples sources. Par ailleurs, les acteurs de la supply chain doivent acquérir le savoir-faire pour formater et prioriser la masse de données collectées en fonction de leur typologie et de leur criticité. Cette transformation nécessite enfin la confiance de chaque maillon de la chaîne, ce qui passe par la sécurisation des données et la garantie de leur confidentialité.

« Si l'on intègre par exemple des informations de géolocalisation des clients sur une plateforme à des fins statistiques, il faut d'abord s'assurer que l'on respecte leur vie privée en anonymisant ces données », précise Philippe Roger. « De même, un fournisseur ne souhaitera pas nécessairement partager l’intégralité des informations concernant le taux d’utilisation de ses machines. »

Continuité d’activité : des solutions numériques pensées pour le temps long

50 % des entreprises interrogées dans l’étude Orange Business affirment vouloir revoir leur stratégie et leur gestion des risques. L’adoption de solutions numériques est une manière de rebondir face à la pandémie, mais celles-ci devront s’inscrire sur le temps long pour rendre la supply chain véritablement plus performante.

Selon Philippe Roger, « certaines opérations menées habituellement « en physique », comme l’inspection avant livraison pourraient être automatisées, avec un impact non négligeable ». En développant l’automatisation et la robotisation, en entrepôt comme à l’usine, un produit complexe comme un avion pourrait par exemple être inspecté à distance. De même, un robot téléguidé et connecté à un réseau mobile serait à-même d’assurer la sécurité d’un site industriel. Ces opérations à distance garantissent le respect des mesures sanitaires par les opérateurs sur site, contraints de limiter les contacts. Il peut s’agir d’un planning digital associé à une solution de géolocalisation qui répartit les équipes sur site afin d’optimiser les déplacements, tout en proposant aux collaborateurs plus d’autonomie sur le long terme. Les investissements technologiques essentiels à la supply chain sont donc bien ceux qui répondront aux besoins nés avec la crise tout en améliorant demain la productivité.