Qualité de service d'un réseau IoT basé sur LoRaWAN™ Enseignements et éléments mis en œuvre

Après une expérimentation terrain d’un an, Orange a ouvert depuis plusieurs mois un réseau LPWA (Low Power Wide Area, Longue Portée, Faible Consommation) en France, sur la technologie LoRaWAN™. Cet article détaille les enseignements issus de cette expérience, sur un point essentiel de tout réseau de communication : la qualité de service.

Il décrit les enjeux de cette qualité de service, le compromis à rechercher entre cette qualité et d’autres contraintes, comme l’autonomie de la pile des objets, et des éléments mis en œuvre par Orange pour y répondre, notamment le débit adaptatif et la répétition.

Qualité de service : un enjeu majeur pour les applications IoT et pour les réseaux LPWA

Les réseaux LPWA ne font pas exception à la règle commune à tous les réseaux fixes ou mobiles : éléments constitutifs d’une chaine de bout en bout, ils doivent offrir une qualité de service compatible avec l’attente du cas d’usage délivré à l’utilisateur. En particulier pour le taux de livraison (ou d’échec) des messages, mesuré par le Packet Error Rate (PER).

Et c’est un jeu de dépendance croisée entre qualité de service et cas d’usage : la qualité de service réseau joue sur l’engagement du fournisseur de service vis-à-vis de son client final. A l’inverse, le cas d’usage influe énormément sur la qualité de service attendue et constatée, comme nous avons pu nous en rendre compte sur les déploiements réalisés par nos partenaires sur le terrain.

Qualité attendue : certains cas d’usage « supportent » par exemple de ne recevoir qu’un message sur 3, alors que d’autres exigent de recevoir 99% des messages (PER < 1%).

Qualité constatée :

  • la position de l’objet, s’il est sous terre, au sol, dans un bâtiment, ou à l’extérieur, influe énormément, sur la qualité de service.
  • la contrainte de consommation électrique impacte également la qualité de service, sachant par exemple qu’un débit plus faible permet d’augmenter la portée, mais au détriment de la consommation. Nous reviendrons en détail sur ce point
  • enfin le cas d’usage amène souvent des contraintes de forme de l’objet, et avec elles, des contraintes sur l’antenne, influant sur la qualité globale de la connectivité.

 

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De multiples cas d’usage LPWA : des attentes et des contraintes sur la QoS spécifiques

Les déploiements terrains effectués depuis plus d’un an par les partenaires et clients d’Orange, montrent que :

  • le jeu d’attentes et de contraintes varie selon chaque usage,
  • la demande de qualité du réseau est forte : l’attente vis-à-vis des réseaux LPWA n’est pas du tout d’être en « best effort ».

Qualité de service : fortement conditionnée par le déploiement

Au-delà des possibilités inhérentes de la technologie LoRaWAN™ choisie par Orange, la façon dont on la met en œuvre joue énormément sur la qualité de service du réseau :

Afin de répondre aux contraintes des cas d’usages d’ores et déjà en déploiement, Orange a choisi de dimensionner son réseau afin de couvrir l’intérieur des bâtiments (indoor). Cela suppose un maillage dense d’antennes, et a pour conséquence qu’un message émis par un objet est souvent reçu par plusieurs antennes : cette macro-diversité à un impact majeur sur le PER global d’un message remontant, comme le montre le tableau suivant (tests sur le réseau pilote – juin 2015).

 

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Pilote Grenoble - Impact de la macro-diversité sur le PER global (Pour l’objet 171, alors que la « meilleure » antenne perd 6,4% des messages, la macro-diversité permet de n’en perdre finalement que 1,3%)

La qualité de service est également conditionnée par le taux de disponibilité du réseau de bout en bout, qui passe par l’alimentation électrique secourue des points hauts, leur raccordement, leur supervision, et coté plateforme, par la mise en place d’une infrastructure redondante, la sécurisation des centres d’hébergement, …

Face à une attente forte de qualité de service, Orange planifie, déploie et exploite son réseau basé sur LoRaWAN™ selon les mêmes règles et en s’appuyant sur les mêmes infrastructures physiques que son réseau mobile, dans le même objectif de qualité

De façon non exhaustive, on peut citer les actions suivantes réalisées par Orange, et classiques d’un opérateur de réseau, qui concourent à la qualité de bout en bout :

  • Planification initiale et optimisation dans le temps : utilisation du même logiciel de planification réseau que pour la 2/3/4G, avec des règles aussi rigoureuses d’ingénierie, étude du niveau de bruit des différents canaux pour le choix du meilleur plan de fréquence, prévision systématique de la macro-diversité, …
  • Déploiement : utilisation systématique des points hauts Orange, et de leur alimentation secourue, raccordement réseau, protection physique, … validation terrain de la couverture radio effective, infrastructure plateforme redondée dans des centres d’hébergement Orange en France, …
  • Exploitation et supervision : supervision 24/7, utilisation des processus éprouvés d’intervention des équipes réseaux mobile régionales, …

Qualité de service et consommation électrique : impact des mécanismes LoRaWAN™ mis en œuvre

La qualité de service varie également selon la mise en œuvre de mécanismes de la technologie LoRaWAN™, avec des impacts sur la consommation électrique, enjeu essentiel pour les cas d’usages LPWA.

Le facteur d’étalement

La technologie LoRa® est une technologie radio basée sur une modulation à étalement de spectre, qui permet de démoduler des messages ayant des niveaux de signal très faibles, inférieurs au seuil de bruit (niveaux identifiés par le SNR, Signal Noise Ratio ou Rapport Signal à Bruit). Le facteur d’étalement varie entre 128 (SF7) et 4096 (SF12).

 

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Caractéristiques de la couche radio Lora pour des canaux de 125 kHz (source Semtech)

Le débit et les performances radio de la technologie LoRa® varient en fonction du facteur d’étalement utilisé. Le facteur d’étalement le plus grand (SF 12) permet la plus longue portée du signal (meilleure sensibilité de la technologie).

Le facteur d’étalement utilisé a également un impact sur la consommation électrique de l’objet, le temps de transmission d’un message d’une taille donnée étant plus long si le facteur d’étalement est grand.

La répétition

Répéter un même message, sur des canaux radio différents, et à des instants différents est un moyen efficace d’améliorer la qualité de service, en contournant, par la redondance, d’éventuelles perturbations radio ponctuelles ou plus durables.

Les tests réalisés dès 2015 sur le réseau pilote de Grenoble, et poursuivis depuis sur le réseau commercial en France, montrent en effet un gain significatif sur le PER lorsque la répétition est activée.


 

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Pilote Grenoble - PER par passerelles et PER global avec 1 transmission

 

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Pilote Grenoble - PER par passerelles et PER global avec 3 transmissions
Impact de la répétition sur la qualité de transmission

Mais bien sûr, répéter un message a un impact sur la consommation électrique, en fonction de ce nombre de répétition.
La technologie LoRaWAN™ offre donc différents mécanismes, afin de répondre au mieux, au différents cas d’usage et à leurs contraintes spécifiques de consommation et de qualité de service.

Débit et répétition adaptatifs : pour déterminer à chaque instant le meilleur compromis

Reste donc, pour le fournisseur du service de bout en bout, de jouer avec les mécanismes, débit, répétition, pour obtenir le meilleur compromis.

En tant qu’opérateur, Orange propose deux modes aux fournisseurs de services, et par extension à tout utilisateur du réseau, pour au choix :

  • bénéficier, dynamiquement et à chaque instant, du compromis optimal : le mode automatique.
  • avoir entièrement la main sur ces mécanismes : le mode manuel

En mode automatique (ADR = 1), chaque objet reçoit du réseau, lorsque nécessaire, des consignes pour utiliser un facteur d’étalement (SF) et un nombre de répétitions propres à optimiser le compromis  entre couverture radio (et qualité de service attendue) et autonomie de la pile.

Par exemple, un objet proche d’une passerelle LoRaWAN™ (très bon niveau de réception) recevra la consigne d’utiliser un facteur d’étalement faible (SF 7) et de ne pas répéter les messages applicatifs. Au contraire, un objet en limite de couverture recevra une consigne de SF plus élevé et/ou de répétition de messages.

Orange recommande d’utiliser ce mode automatique, pour les objets fixes, et dont les conditions radio ne varient pas fortement et de façon sporadique.

En mode manuel au contraire (ADR = 0), c’est l’objet qui choisit, en général de façon stable, son facteur d’étalement (SF), et sa répétition éventuelle. Ce mode est fortement recommandé pour les dispositifs en mobilité.

Ces deux  modes sont opérationnels et disponibles sur le réseau d’Orange. Le mode automatique fait l’objet par Orange d’une analyse régulière, pour amélioration continu de son algorithme et fonctionnement.

Cette optimisation, associée aux mécanismes LoRaWAN™ et à leur mise en œuvre par les équipes d’Orange, permet d’apporter une qualité de service réseau répondant aux attentes d’une très large palette d’applications et de cas d’usage IoT.

Jean-Michel Ortholand et Solène Quélard

 

Jean-Michel Ortholand

Jean Michel Ortholand, Orange Labs, IoT Program leader - As responsible for Orange Labs (R&D) of the IoT program, participates to the definition of the Orange strategy and technical choices, and pilots different projects in IoT : customer technical support and business solutions development. He holds an engineer degree in computer science from the ENSIMAG, Grenoble.