Le Marketing Créatique : martingale de l'innovation

Fin décembre 2008, j'ai eu la chance, à la faveur de l'Internet du réseau social viadeo, de renouer le contact avec Georges Krycève, gérant et fondateur de la société de marketing et de conseil Income international, et promoteur de la méthode d'innovation dite du "marketing créatique". Cela m'a fait plaisir, non seulement parce que j'avais perdu de vue Georges depuis 15 ans (!), mais aussi parce que la méthode du marketing créatique est à mon avis la pierre angulaire d'une approche renouvelée de l'innovation dans les hautes technologies (voir mon dossier complet sur le sujet ici).

Quand je dis renouvelée, peu importe la date à laquelle fut inventée la méthode dite "créatique" (une sorte d'hybride entre créativité et mercatique). Certes, cette méthode fut créée vers la fin des années 60, et adaptée par Georges et Michel Demarest (son inventeur) dans les années 1995. J'ai déjà décrit dans mon dossier sur le marketing des TIC (http://visionarymarketing.com/articles/mkgntic/fmkgntic7.html), l'importance du marketing créatique dans l'innovation technologique, dans une sorte de boucle de rétro conception, basée essentiellement sur la critique de l'existant par le client et/ou l'utilisateur. Il est en effet plus aisé de critiquer ce qu'on utilise ou ce qu'on a acheté, que de définir in abstracto ce qu'on ne connaît pas. J'ai eu à de maintes occasions la possibilité de vérifier ce fait sur le terrain et dans le cadre de lancements de produits.

 

Mais assez de préliminaires, qu'est-ce que le marketing créatique ?

Pour bien expliquer et de manière conviviale l'importance de cette méthode, j'ai interrogé Georges dans la vidéo ci-dessus (visible également sur http://orange-business.tv), qui vous donnera une idée assez précise de la chose. Hélas, le livre est épuisé, il ne vous restera plus qu'à faire du lobbying auprès d'Income international à cette adresse (lien), pour les inciter à l'y publier sur Internet à nouveau, afin que vous puissiez utiliser ces méthodologies et leurs matrices.

Voici ci-après une retranscription assez libre de l'interview.

Ainsi, le marketing créatique est comme nous l'avons écrit plus haut la conjonction de créatique (sorte de méthodologie de l'innovation des années 70, inventée par Michel Demarest) et de la mercatique, section française du marketing. Cette véritable grammaire de l'innovation a été utilisée est appliquée par Georges Krycève dans le cadre de son cabinet. (Pour ceux qui ne connaîtraient pas Georges, il suffit de se rappeler Prosper le petit ours de Vandamme; Prosper le roi du pain d'épices, c'est lui, enfin c'est son invention !).

En 1994, Georges Krycève va donc poser les bases du marketing créatique qui consiste à contrôler comportement des individus selon une série de cinq grands indicateurs :

  • premièrement : l'état de la relation (expérience de la personne);
  • deuxièmement : les motivations d'usage;
  • troisièmement : l'insatisfaction (c'est là le coeur de la méthodologie);
  • quatrièmement : les besoins dominants;
  • cinquièmement : la vision du futur avec sa logique d'évolution.

Tout ceci permet d'établir des segmentations nouvelles, sur la base du grand indicateur numéro 3 que nous avons déjà isolé comme étant le plus important : les utilisateurs et les clients s'exprimant par rapport à leur insatisfaction et non par rapport à leurs besoins (ceci arrive ensuite au numéro 4).

Quels sont donc les applications pratiques du marketing créatique ?

Le marketing créatique a ses applications aussi bien dans les études industrielles, les études et la stratégie en B2C et en B2B. Cette démarche permet de structurer les informations des études qualitatives et les comportements. Georges fait remarquer que beaucoup de cabinets d'études insistent absolument pour constituer des échantillons représentatifs dans le cadre des études qualitatives. Ceci est absolument inutile. En effet, le nombre de comportements est limité. C'est ce que Georges a pu observer maintes fois, et moi également, sur le terrain. Quant à la pertinence des études qualitatives elle trouve en général son maximum au sommet de la courbe d'expérience qui se situe en moyenne entre 12 et 15 interviews (sauf à avoir interviewé des gens qui sont complètement à côté de la plaque, que cet échantillon soit représentatif ou non devrait vous donner dans tous les cas l'essentiel des pistes possibles). Une fois la courbe atteinte vous aurez l'impression que tous les interviewés disent la même chose.

les facteurs d'influence des comportements dégagés dans le cadre de ces études permettent ensuite des recommandations très concrètes qui donnent au marketing la possibilité de mettre en oeuvre des solutions.

Un exemple concret :

les champs d'application du marketing créatique sont innombrables. Une de ses constatations nous l'avons déjà dit est que les comportements humains ne sont pas en nombre illimité. Il y a donc des contraintes et des variables permanentes.

Une application de ce principe du marketing créatique dans le cadre des études sur le machine to machine (m2m) a été menée par Income international avec Orange Business. Son sujet était d'analyser les très difficiles rapports entre l'individu et la machine. L'étude marketing créatique a permis de dégager trois comportements principaux (on voit bien ici encore une fois que les comportements ne sont pas illimités)

  • premièrement : les passifs. Il s'agit de ceux qui disent "oui je sais, je peux être pisté par le système, mais je ne veux pas le savoir". Un exemple concret est l'utilisateur du "navigo" de la ratp, qui utilise cet outil pour entrer dans le métro tous les jours. L'utilisateur sait qu'il est parfaitement traçable, mais comme il trouve ça pratique, cela lui convient.
  • Deuxièmement : ceux qui veulent comprendre et maîtriser le système. Ceux-là se posent la question de savoir où sont stockées les bases de données, comment les contrôler, comment recourir à la CNIL etc.
  • Troisièmement : la population qui rejette le système. Il s'agit des chauffeurs de camions notamment qui cherchent à détourner le système (pas forcément tous les chauffeurs de camions, certains d'entre eux). Ceux-ci avaient trouvé notamment qu'en entourant le transmetteur d'un papier aluminium, on bloquait la communication et on empêchait ainsi de transférer l'information au système.

Le marketing créatique permet, sur la base de ces constatations, des actions marketing différenciées en retour de ces observations.

Vivement la mise en ligne du bouquin, n'est-ce pas Georges ;-) ?

Yann Gourvennec

Je suis spécialiste en systèmes d'information, marketing de la highTech et Web marketing. Je suis auteur et contributeur de nombreux ouvrages et Directeur Général de Visionary Marketing. A ce titre,  je contribue régulièrement sur ce blog pour le compte d'Orange Business sur les sujets du cloud computing et du stockage dans le cloud.