le futur des réseaux, à la vitesse de la lumière

Quel est l'intérêt de jouer 2 800 vidéo à la fois ? Eh bien montrer l’avenir proche des réseaux (et de l’IT) où se prépare une petite révolution. Explorons ce bouleversement annoncé de la manière dont nous surferons le Net, dont nous nous divertirons et dont nous travaillerons avec Soumik Sinharoy, le responsable du projet de réduction du temps d’attente dans la [Soumik Sinharoy, Orange Silicon Valley, photo cc, 2012 par Orange http://live.orange.com]

la latence : l’épine dans le pied de l’IT

Si vous pensez que le monde a accéléré récemment et que cela a accru la mondialisation et la capacité à accéder à des données et systèmes partout et tout le temps (aussi appelé cloud computing), dites-vous bien que vous n’avez encore rien vu. Car un fléau frappe encore et toujours le monde de l’IT en temps réel : « la latence ».

La latence est la durée ajoutée à une transmission de données sur un réseau en raison de la distance et du temps nécessaire à transporter ces données d’un bout du réseau à l’autre.

« Détail » me direz-vous. Pas du tout.

Il existe en effet une difficulté dont les ingénieurs réseau n’ont jamais réussi à s’affranchir : la distance.

la reproduction des données : un mal nécessaire

Avec le TCP/IP – le protocole Internet largement répandu et connu – les résultats ont été décevants. S. Sinharoy explique que « le temps d’attente d’une transmission TCP/IP par fibre est de 5 µs par kilomètre ; ce qui signifie que vous perdez 1 ms tous les 200 km ».

Si, comme les anciens, vous reproduisez des données (c'est-à-dire que vous copiez puis déplacez sur les réseaux de grandes quantités d’information pour les proposer aussi près que possible de l’utilisateur final afin de réduire le temps d’attente), ce n’est pas un gros problème.

Par contre, cela le devient sur les longues distances continentales voire intercontinentales. Désormais, depuis l’arrivée du cloud computing et le développement de l’accès aux banques de données en temps réel, la reproduction de données n’est plus à l’ordre du jour. De nouvelles technologies et des innovations sont donc indispensables.

faire plus avec moins grâce à l’« Infiniband™ »

En partenariat avec ESnet, l’InfiniBand Trade Association et l’OpenFabrics Alliance, les chercheurs de la Silicon Valley Orange ont élaboré une démonstration de ce que l'avenir nous réserve.

Par la simulation d’un réseau à longues distances, ils ont pu mettre en évidence une diminution significative du temps d'attente ; jusqu’à se rapprocher de… la vitesse de la lumière ! La limite indépassable : 299 792 458 mètres par seconde dans le vide – un petit peu plus en réalité.

Selon S. Sinharoy, avec le RDMA (Remote Direct Memory Access – accès direct à une mémoire distante), « le temps d'attente côté serveur chute de 5 µs à 5 ns ». « Voilà ce que permet Infiniband™ ; c’est un protocole d’interconnexion visant à surmonter certaines des faiblesses du TCP/IP » ajoute-t-il ; « il permet un accès direct à une mémoire distante (RDMA) et est plus performant entre des serveurs que le TCP/IP ».

 

infiniband

 

[tableau détaillé d’utilisation et de performance, copyright 2011, Orange Silicon Valley]

Cela signifie que non-seulement les données peuvent être lues à distance sans avoir à les copier, mais qu’en plus elles peuvent être écrites à distance. Maintenant, imaginez l’effet sur le développement du cloud computing !

Les chiffres fournis par l’équipe travaillant sur la réduction du temps d'attente dans la Orange Silicon Valley (voir ci-dessus) le confirment : une liaison RDMA a une efficacité de transfert 3,5 à 4 fois supérieure à celle d’une liaison TCP/IP normale et une liaison RDMA 10 G a une efficacité quasiment identique à celle d’une liaison TCP/IP 40 G.

La raison en est simple : « le TCP/IP est un protocole qui égare – c'est-à-dire que les paquets empruntent des voies différentes et sont parfois perdus en route – tandis que le RDMA est un protocole qui ne perd rien ». Cela ne veut pas dire que le TCP/IP soit voué à disparaître, mais simplement qu’il existe d’autres protocoles qui amélioreront l’usage de l’Internet grâce à leur combinaison partout où elle sera possible.

Par ailleurs, en remplaçant les gros multiprocesseurs symétriques par des commodes serveurs grid (lames) avec Infiniband™ interconnecté, l’équipe de Sinharoy a pu démontrer que les coûts des plateformes pouvaient être réduits de 90 % sans nuire à la performance.

applications et développements à venir

Les applications pour cette nouvelle technologie ne manquent pas (voir l’encadré 1 ci-dessous). Jusqu’ici, les démonstrations de l’équipe de S. Sinharoy se sont déroulées aux États-Unis, avec l’aide de partenaires et d’autorités locaux qui ont contribué au projet porté par Orange. Nous devons maintenant amener cette innovation à réaliser un pas supplémentaire, un pas qui lui permettra de traverser un continent… et même une mer.

Un défi passionnant ! Sur lequel je garderai personnellement un œil, en particulier lors de ma prochaine visite à nos amis d’Orange dans la Silicon Valley.

encadré 1

Applications potentielles du projet de réduction du temps d’attente aux problèmes concrets

  1. Investissement dans les actifs de l’IT : l’une des applications les plus évidentes en ces temps de crise est la réduction des investissements nécessaires par les actifs IT. La démonstration d’Orange Silicon Valley a en effet mis en évidence une réduction des coûts de 90 % pour une performance identique.
  2. Augmentation de la performance du réseau cœur : une autre possibilité consiste à utiliser des clusters Infiniband™ de protocoles RDMA dans le réseau cœur d’un Telco afin d’augmenter les taux de transmission de données et la bande passante. Cette option particulière est même applicable à des liaisons transatlantiques. Le nouveau protocole pourrait alors être combiné au TCP/IP afin d’accroître la performance Internet sur de longues distances.
  3. Solutions de courtage instantané : selon le groupe Tabb, en 2009, 73 % du courtage mondial était algorithmique, contre seulement 33 % en 2006. Parmi ces 73 %, une grande partie est ce qu’on appelle du « courtage haute fréquence » qui ne cesse de se rapprocher des bourses (les plateformes de courtage algorithmique sont parfois installées dans les locaux mêmes des bourses afin de réduire le temps d'attente). Une grosse proportion des transactions réalisées par courtage haute fréquence s’attache aux arbitrages ; c'est-à-dire à la capacité à tirer avantage de différences de taux sur des marchés différents. Le courtage algorithmique pourrait donc tirer profit de notre solution d’accélération des réseaux.
  4. Distribution de contenu : la transmission multimédia en continu, par exemple, pourrait elle aussi être demandeur de solutions de réduction du temps d’attente et d’amélioration de l’efficacité des réseaux. L’un des principaux handicaps des contenus rich media est leur gourmandise en bande passante qui crée beaucoup de surdébit sur les réseaux des fournisseurs d’accès et des entreprises.
  5. L’IT interne : lui aussi constitue un utilisateur potentiel de solutions à faible temps d'attente pour remplacer la reproduction de donnée – plus coûteuse et moins efficace.

encadré 2

Histoire du projet de réduction du temps d'attente

  • 2008 : première présentation d’un cluster et d’une communication InfinibandTM à l’Infiniband™ Trade Association
  • 2009 : première mise en œuvre d’Infiniband™ en mode production au centre de traitement de l’information Orange de Paris pour les IT internes de Telco
  • 2010 : sélection par Orange Silicon Valley de la banque de données sur lames DB2 pureScale pour la première utilisation aux États-Unis de clusters Infiniband™
  • octobre 2011 : démonstration par Orange Silicon Valley au salon Information On Demand organisé à Las Vegas par IBM (voir la présentation)
  • 2012 : objectif de mettre en œuvre des applications très concurrentielles de vidéotransmission directe par Infiniband™ à l’échelle mondiale (intercontinentale)

Pour en savoir plus sur Infiniband™ et sur le projet de réduction de la latence :

Présentation grid ouvert d'Orange [en anglais]

 

Yann Gourvennec

Je suis spécialiste en systèmes d'information, marketing de la highTech et Web marketing. Je suis auteur et contributeur de nombreux ouvrages et Directeur Général de Visionary Marketing. A ce titre,  je contribue régulièrement sur ce blog pour le compte d'Orange Business sur les sujets du cloud computing et du stockage dans le cloud.