L’intelligence émotionnelle appliquée au consultant

Pour l’entreprise, l’intelligence émotionnelle est aujourd’hui un élément important à prendre en compte, comme un nouveau facteur de performance. Les sociétés de services et en particulier les cabinets de conseil, l’intègrent comme un critère important dans leurs phases de recrutements et de formations.

L’intelligence émotionnelle, un concept qui existe déjà depuis presque 30 ans.

Le psychologue américain Gardner propose dès 1983 une première version, qu’il enrichi par la suite en 1993, de sa théorie des intelligences multiples, soit l’existence de deux formes d’intelligences : intrapersonnelle – capacité à se comprendre soi-même, à se maîtriser et interpersonnelle - capacité à comprendre les autres, à communiquer. En parallèle, en 1990, Salovey et Mayer développent le premier modèle d’intelligence émotionnelle se situant à l’intersection des cognitions et des émotions. Ce modèle sera ensuite revu en 1997. Il se présente comme la capacité à percevoir l’émotion, à l’intégrer pour faciliter la pensée, à la comprendre et à la maîtriser afin de favoriser l’épanouissement personnel.

En se basant sur ces théories, Daniel Goleman, docteur en psychologie et diplômé d’Harvard, produira de nombreuses recherches et articles participant à la démocratisation du concept. Dans ses publications, il va ainsi définir la notion de Quotient Emotionnel (QE). Le QE s’appuie sur 5 éléments fondamentaux : la conscience de soi et la capacité à comprendre ses émotions, la maîtrise de soi, la motivation interne, l’empathie, les aptitudes sociales.

Celui-ci affirme, études à l’appui, que le QE d’un individu est bien plus révélateur de succès que le Quotient Intellectuel (QI) ou les diplômes. D’après une étude de Feist et Barron en 1996, le QE est même 4 fois plus important que le QI dans la détermination du succès et de la performance. Par ailleurs, à la différence du QI, le QE se développe à tout âge et résulte d’un travail sur soi quotidien.

Mais concrètement, l’intelligence émotionnelle, qu’est-ce que c’est ?

Au premier abord, l’association de l’intelligence aux émotions peut paraître étonnante. L’intelligence est la capacité à raisonner et à analyser, alors que les émotions sont des réactions physiologiques face à des évènements extérieurs. Or, c’est bien cette union de l’esprit rationnel et de l’esprit émotionnel qui permet une maîtrise de soi, une persévérance, motivation et ambition au quotidien.

Repartons du modèle le plus répandu aujourd’hui, celui proposé par Daniel Goleman, présenté dans son ouvrage L’intelligence Émotionnelle (IE) : Transformer ses émotions en intelligence.

Selon lui, il y a 5 composantes à l’IE :

1. La conscience de soi et la capacité à comprendre ses émotions : aptitude à reconnaître, identifier et nommer ses émotions, ses moteurs internes, les raisons de nos réactions.

2. L’autorégulation ou maitrise de soi : capacité à s’adapter aux différentes situations et contrôler ses pulsions.

3. La motivation interne : faculté à tenir ses engagements, à se fixer des objectifs et persévérer pour les accomplir.

4. L’empathie : comprendre les émotions d’autrui indépendamment de tout jugement de valeur.

5. Les aptitudes sociales : savoir construire des liens, réseaux avec les autres et inspirer confiance.

Notons que ces notions font partie des prérequis d’un poste de consultant.e.

Cognitions et émotions, comment relier les deux ?

Comme le monde du travail, le domaine de la neuroscience a pendant longtemps considéré cognitions et émotions comme deux éléments séparés. De nos jours, de nombreuses études montrent leur lien, ainsi que l’identification du circuit neuronal de chaque émotion.

Pour résumé, le néocortex est l’organe du cerveau permettant la réflexion et donc nos prises de décisions ; alors que l’amygdale, près du système limbique, est le centre de contrôle de nos émotions primitives. Des recherches sur le fonctionnement du cerveau montrent que nos perceptions d’un évènement sont envoyées dans un premier temps à l’amygdale, puis arrivent au néocortex. Le cerveau fait donc appel aux émotions avant toute réflexion. Au final, l’intelligence émotionnelle repose donc sur la relation et l’équilibre entre ces deux zones du cerveau. C’est aussi pourquoi les sentiments sont indispensables aux réactions rationnelles.

Par exemple, dans une situation de stress, des chercheurs ont montré que le fonctionnement de ces deux zones du système nerveux subira des perturbations. Le cerveau émotionnel prenant le pouvoir, le néocortex n’est plus en mesure d’assurer au maximum ses capacités, il peut même aller jusqu’à la paralysie. A long terme, un stress chronique cause une réduction du volume du néocortex et une augmentation de celui de l’amygdale. C’est pourquoi le comportement d’un individu en situation de stress sera modifié.

Un point d’intérêt pour l’entreprise

Cette relation entre notre cerveau rationnel et émotionnel intéresse désormais beaucoup les entreprises. En effet, depuis quelques années, l’émotion s’y voit prise en compte et valorisée. Les retours d’expérience montrent en effet qu’un environnement bienveillant est source d’une meilleure créativité et d’amélioration de la motivation.

De par ce fait, le concept d’intelligence collective est apparu. Par intelligence collective, on entend à faire converger une équipe vers un objectif commun. Une bonne réalisation implique donc une confiance et une tolérance réciproque envers les différents membres de la communauté. Il en résulte ainsi un développement significatif de l’intelligence émotionnelle.

L’intelligence émotionnelle par les chiffres

En 2018, le cabinet de recrutement One Page a réalisé une étude auprès de 1148 individus sur les critères d’une entreprise idéale. Pour 91% des sondés, c’est la reconnaissance de l’employeur qui prédomine. Cette gratitude attendue par l’employé est symptomatique du besoin d’être pris en compte dans son entièreté et ainsi de donner du sens à sa mission.

Par ailleurs, une enquête datant de 2015 du cabinet Carewan montre que « 7 projets de transformation d’entreprise sur 10 échouent en raison d’une mauvaise prise en compte du facteur humain ». La dimension humaine devient alors un élément stratégique. C’est à cet effet que le leadership devient ainsi la première application du l’IE au travail. Susciter l’inspiration, l’engagement et l’engouement pour faire avancer un groupe d’individus vers une direction commune, devient un besoin qui n’avait pas été auparavant identifié. Daniel Goleman nous dit d’ailleurs que les leaders qui réussissent « ont un fort niveau d’intelligence émotionnelle incluant la connaissance de soi, l’empathie, et les capacités sociales ». En d’autres termes, un leader ne réussit pas parce qu’il est plus intelligent ou plus créatif, mais parce qu’il a su entrainer la motivation et l’adhésion de ses équipes.

L’EI est donc devenue une des qualités essentielles du manager et elle le continuera selon les prévisions d’évolution de leurs rôles. Selon une étude de cabinet Gardner de 2020 sur les impacts de l’intelligence artificielle, le métier de manager se verra recentré intégralement sur la gestion de l’humain, sans toutes les tâches administratives que l’on attend encore de lui aujourd’hui.

L’intelligence émotionnelle au cœur du métier de consultant

Au-delà des connaissances techniques propres à un domaine d’étude, un consultant est attendu sur sa capacité à analyser une situation existante et à proposer des solutions d’amélioration prenant en compte divers critères. Pour répondre à ce besoin, une première étape d’audit est souvent nécessaire. Cela implique la capacité à s’adapter à un nouvel environnement et probablement à réaliser un certain nombre d’entretiens avec des clients. Afin de comprendre les relations politiques qui peuvent se jouer ou l’état d’esprit de l’individu à questionner, il est alors important de se placer dans une écoute empathique. A titre de rappel, l’empathie ne consiste pas à ressentir les émotions de son interlocuteur, mais à les comprendre.

Ensuite, pour proposer des recommandations à un client, il sera également nécessaire de savoir collaborer, que cela soit avec des experts, des collègues ou clients. La collaboration est une des applications directes de l’intelligence émotionnelle. Elle exige de savoir passer les bons messages, de transmettre les informations adéquates, d’indiquer la direction à suivre. En résumé faire preuve d’aptitudes sociales et de maitrise de soi (liée à la conscience de soi). On retrouve donc bien les composantes de l’EI définies précédemment. Au final, pour engager le client dans une direction, il faudra « mettre en œuvre son EI ».

D’autre part, l’intelligence émotionnelle est aussi un élément à prendre en compte dans le fonctionnement d’un cabinet de conseils dans sa globalité. Étant un secteur très concurrentiel et qui exige de la mobilité, le turnover de ce type de société est élevé. Or, on sait qu’un renouvellement trop important des effectifs peut coûter cher à l’entreprise. Ainsi, pour fidéliser un peu plus longtemps des consultants et leur partager les valeurs d’un cabinet, l’intelligence émotionnelle peut se montrer efficace. Nous avons expliqué qu’un employé attend la gratitude de son management, prendre en compte et écouter ses attentes lui permettra de se sentir plus à sa place.

Par ailleurs, l’intelligence émotionnelle appliquée à l’entreprise ne veut pas dire accepter toutes les demandes d’un employé et refuser de poser des limites. Il reste important de savoir dire non ou d’émettre des critiques négatives tant qu’elles sont constructives.

Daniel Goleman explique notamment dans son livre les règles d’une critique constructive : elle doit prendre en compte ce que l’individu a déjà fait et son potentiel, suggérer les points d’amélioration, utiliser un ton optimiste, préciser ce qui a été mal fait afin de le corriger et faire preuve d’empathie. Au contraire, une critique telle que « vous allez vous planter » n’apporte rien, n’attend aucune réponse, car il n’y a pas de précisions sur le sujet et provoque de la démotivation.

Conclusion

Ainsi, pour le bon déroulement des missions, comme pour fidéliser les consultants, l’intelligence émotionnelle apparait comme un élément fondamental. Le fait que le Forum économique mondial de Davos ait inscrit l’Intelligence Emotionnelle comme faisant partie des dix compétences clés pour réussir professionnellement à l’horizon 2020, en est un signe.

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Margot Lambert

Consultante chez Orange Consulting, j'accompagne mes clients sur leurs projets de transformations IT et réseaux. En parallèle, je suis passionnée de développement personnel et de l’étude des nouveaux modes de management.