Mr Porter et Mr Christensen sont dans un bateau…

Au milieu des années 90, acculée après de longues années de mauvaise gestion, la Veterans Health Administration - VHA (l’institution qui prend en charge la santé des vétérans de l’armée des Etats-Unis) a réussi une transformation spectaculaire. A grand renfort d’e-santé, elle a mis en place les premiers grands projets de dossiers partagés, de télésuivi ,… (plus de détails ici).

Comment une telle transformation a-t-elle pu arriver en si peu de temps et avec de tels résultats alors que le système de santé est traditionnellement connu ses évolutions lentes et douloureuses ?

l’évolution des systèmes de santé est possible


Si l’exemple de la VHA est le premier du genre dans les années 90, les années qui ont suivies ont vu d’autres transformations de ce genre aux US (Kaiser, Mayo) bien sûr mais aussi ailleurs dans le monde, très près de chez nous parfois, comme en Espagne ou au Portugal.

Dans l’exemple du Portugal, il s’agit d’insuffisance rénale. Certains acteurs privés ont complètement repensé le parcours de santé pour améliorer la prise en charge : le montant qu’ils perçoivent est indexé sur la qualité des soins. Cela va très loin d’ailleurs : les résultats d’examen font partie des critères (par exemple la mesure de la DFG, débit de filtration glomérulaire, qui permet de qualifier l’état du rein).

Quel est le point commun avec la VHA ? Dans les deux cas, il y a un acteur qui, seul, organise le soin en fonction d’un budget a priori, et réalise les soins. Il a donc une motivation naturelle à contrôler l’efficacité des soins, à rechercher les inefficacités entre les acteurs, à privilégier les outils les plus performants au détriment de ceux qui sont plus facile à « manager ».

l’ « incentive » au cœur de la transformation selon Porter et Christensen


Deux des plus grands penseurs des organisations et de la stratégie du XXIème siècle, Mr Porter et Mr Christensen, se sont penchés sur la santé pour répondre à l’angoissante question de la lenteur de la transformation. Tous les deux pointent du doigt cette incapacité qu’ont les systèmes de santé à « aligner les incentives ».

Et il faut constater qu’il est vrai que cette logique d’incentive semble être la clef de la réussite de nombreux projets de transformation.

En Espagne, depuis quelque temps, des médecins se regroupent en sociétés privées et reçoivent de l’autorité régionale un budget par patient. Ils doivent ensuite s’organiser pour garantir l’accès aux soins et la qualité de la prise en charge. Les budgets découlant dépendent de la qualité des soins : le soignant et l’actionnaire touchent une prime à la qualité, pas au volume.

Le domaine hospitalier n’est pas en reste : dans la région de valence, l’hôpital de la Ribeira est devenu un hôpital pionnier dans les PPP (partenariat public – privé). Dans ce modèle (Alzira, nom de la ville de l’hôpital) une compagnie privée est autorisée par contrat à construire et gérer un hôpital public.

Les principes sont simples de fonctionnement sont les suivants :

  • Financement public : capitation pendant la période de concession
  • Contrôle public : inspecteurs du gouvernement sur place (inspection, contrôles)
  • Propriété publique : revient au public à la fin de la concession
  • Gestion (administrative et offre de soins/médicale) privée

Les résultats sont étonnants (comparaison entre la Ribeira et la région de Valence) :

  • Temps d’obtention d’une consultation ambulatoire : Ribeira (R) : 25 jours, Valence (V) : 51 jours
  • Délai pour une chirurgie : R : 34 jours, V : 60 – 90 jours
  • Scanner : R : 12 jours ; V : 90 – 120 jours
  • Taux de ré-hospitalisation en 3 jours (sur 1000 sorties) : R : 4,05 ; V : 6,1 jours
  • Satisfaction des patients : R :9,1  V : 7,2
  • Dossier électronique : R : 100%   V : 20%
  • Chirurgie ambulatoire : R: 79%  V: 52%
  • Satisfaction du personnel : absentéisme inférieur à 2,5%

Très près de chez nous, à l’hôpital Cochin, le Dr. Goldwasser a quant à lui repensé le processus de prise en charge des patients sous chimiothérapie (projets Ariane et Equilibre) sur deux principes :

  • la médecine intégrée : toutes les spécialités, y compris paramédicales se livrent à une analyse de risque au moment de prescrire la chimio
  • le suivi systématique : tous les patients sont contactés à J+2 et J+8 pour un suivi précis

Là encore le service touche un forfait chimiothérapie, les actes de suivi ne sont pas à proprement parlé pris en charge, ils sont en quelque sorte inclus dans le forfait. Depuis quelques années, ce service caracole en tête des classements avec des résultats spectaculaires…

Je vais donc  me jeter à l’eau à la suite de Messieurs Porter et Christensen : l’avenir serait-il à la capitation ? Qu’en pensez-vous ?

Benjamin.

 

crédit photo : © javiindy
 

Benjamin Sarda

Directeur Marketing d'Orange Healthcare, je travaille depuis de nombreuses années dans l'univers de la santé. Avant d'intégrer Orange, je planchais déjà au sein de l'INSERM sur le domaine de l'imagerie médicale. Passionné de technologies, j'ai dû tester une bonne vingtaine d'objets connectés santé rien que cette année !