prospective et réalité : éloge de la "big picture"

Les bonnes résolutions trouvent parfois des récompenses inattendues... A la faveur d’un rangement dans des archives oubliées, j’ai récemment mis la main sur un rapport célèbre que j’avais remarqué dans la bibliothèque familiale il y a plus de 30 ans.

Le rapport sur l’informatisation de la société, de Simon Nora et Alain Minc - publié en 1978 et « best seller » vendu à 125 000 exemplaires !!! – était très éloigné de mes centres d’intérêt à l’époque, mais son titre évoquait quelque chose d’important qui, comme beaucoup d’autres, me concernerait un jour ! 

Ayant effectué par la suite mon parcours professionnel dans le domaine des technologies de l’information, je ne fus donc pas déçu de sa lecture et des enseignements que l’on peut toujours en tirer, près de 35 ans après. Parmi les nombreux enseignements de ce rapport, il ressort pour moi 3 priorités majeures, qui illustrent bien les facteurs de réussite d’une transformation aussi profonde.

comprendre les ruptures technologiques à venir

Tout d’abord, il apporte une vision particulièrement claire des grandes évolutions technologiques : la télématique bien sûr et au-delà de son succès en France, sa transcription actuelle à travers Internet et le Cloud Computing. Extraits :

- « Les usagers auront de moins en moins besoin d’avoir des centres de traitements privatifs»

- ou encore « Le réseau informatique sera devenu semblable au réseau électrique »

Nombre de blogs actuels cherchant à vulgariser aujourd’hui le Cloud Computing ne trouvent pas de meilleures expressions que celles des auteurs adressées à une population très éloignée à l’époque de telles évolutions !

Même constat pour Internet puis l’émergence des réseaux sociaux, annoncés comme une vague de « sociabilisation de l’information » et d’évolution d’une civilisation de « la palabre orale » vers la « palabre informatique » … cela vous dit quelque chose ?

 

 

 

actionner les ressorts d’un nouveau modèle de croissance

Deuxièmement, ces évolutions technologiques y sont illustrées et mises en perspectives comme les catalyseurs d’enjeux majeurs pour notre société.

C’est évidemment flagrant sur le plan économique à travers plusieurs applications avancées et leurs modèles économiques - pourtant hors du champ de l’imagination courante à l‘époque - comme le commerce électronique et les places de marchés dématérialisées (pour les matières alimentaires par exemple). Ces enjeux sont également dépeints au centre de la situation concurrentielle de plus en plus internationale, 11 ans avant que la chute du mur de Berlin n’accélère irrémédiablement la mondialisation de l’économie.

De fait, ces enjeux y sont décrits sous le prisme des enjeux de souveraineté nationale face à l’entrée en crise économique de la société française avec le premier choc pétrolier et l’impératif de « nouvelle croissance » : les politiques publiques deviennent liées au succès de cette industrie émergente.

Le rapport décrit les acteurs clés de cette mutation, avec un pôle télécom fort et une constellation de sociétés de services françaises atomisées face aux géants américains (déjà) : « la souveraineté par le réseau » - devient logiquement aujourd’hui la souveraineté par le Cloud Computing .

transformation
sécuriser les moyens de la transformation

Dernière observation frappante : les conditions d’une transformation réussie pour notre société y sont décrites avec clairvoyance. Les auteurs y soulignent la criticité de l’accompagnement au changement en particulier pour orienter les emplois vers les nouveaux métiers des nouvelles technologies de l’information, plutôt que vers ceux amenés à disparaître sous l’effet des avancées de l’informatique (perforateurs, secrétaires, …).

Plus largement c’est le rôle des pouvoirs publics qui y est mis en perspective pour maximiser les bénéfices de cette mutation pour la société française et pour adresser les à-coups de la phase de transition.

A l’image de l’émergence aujourd’hui du Cloud Computing amené à se développer à tous les étages de notre activité, ce rapport montre pour les acteurs de cette mutation, non seulement l’importance de cette vision, mais aussi la nécessité de développer les capacités de mise en œuvre de cette vision afin de « promouvoir et maîtriser » réellement cette transformation dans la durée.

Il faut lire à ce propos l’article paru dans Strategy + Business sur cette dualité, que l’on pourrait paraphraser à travers la fameuse citation de Thomas A. Edison “Vision without execution is hallucination”.

35 ans mais pas anachronique

Alors qu’un rapport récent (Booz & Company) établit la forte corrélation entre développement économique et taux d’adoption des technologies de l’information et des communications, nul ne doute aujourd’hui que le cloud computing devienne un enjeu de développement fort dans les années à venir.

Ce rapport sur l’informatisation de la société nous rappelle, 35 ans après sa publication, que chaque innovation technologique majeure porte en elle des enjeux multiples de plus en plus complexes et interdépendants (économiques, sociaux, juridiques, réglementaires, éthiques) qui dépassent les intérêts directs des seuls acteurs technologiques et économiques concernés pour en faire un véritable enjeu de société.

Bernard Blimont

crédit photo : Bernard Blimont
Clin d’œil d’un photo montage : le rapport Nora-Minc best seller unique en son genre, un jour « consacré » par le modèle d’informatisation généralisée qu’il annonçait il y a 35 ans ?


 

Bernard Blimont

Au sein des grands groupes, le Système d’Information est devenu central dans leur chaine de création de valeur.
La multiplication des enjeux pesant sur le SI amène ses dirigeants à engager de profondes transformations pour s’adapter toujours plus vite aux décisions stratégiques d’entreprise.

A ce titre, ma mission chez Orange Business est d’identifier pour nos clients les propositions de valeur IT & Cloud Computing pour concilier performance économique, alignement business et réduction des risques et contribuer ainsi à la réussite de leur transformation.