VMware, le dilemme

Cet article préfigure une série d'articles qui vont essayer de décoder les stratégies d'acteurs du cloud computing. Ce premier opus est consacré a une "star" de la virtualisation et du cloud computing, VMware.

VMware, une success story !

Une succes story comme on les aime, qui illustre le sacrosaint principe du marketing qui veut que la prime revient souvent au premier. En effet, VMware a anticipé le mouvement vers la virtualisation de millions de serveurs, serveurs qui, pour la plupart,  dormaient dans les datacenters. Il a suffi de les virtualiser pour accroître leur taux d'usage de 5/10% à 70/80%.

Un changement d'échelle qui a permis de réduire non seulement le nombre de serveurs, mais aussi tous les coûts associés au datacenter (énergie, refroidissement, m², …). Les projets de virtualisation de ferme de serveurs se sont souvent autofinancés par les économies engendrées. A ce titre, VMware est une société de l'IT : elle a permis une optimisation de l'existant informatique sans remise en cause du modèle.

la virtualisation et le cloud diffèrent

Virtualisation et cloud diffèrent sur de nombreux points : la virtualisation est une "simple" technologie, le cloud est un nouveau modèle de consommation de l'informatique. Ce dernier est né des géants de l'internet que sont Google, Yahoo, Amazon…, pas des acteurs de l'IT qui ont tendance à le subir.

Le cloud entraîne une rupture qui va bien au-delà des technologies employées. Il bouleverse le secteur informatique avec une  recomposition du paysage concurrentiel, de nouvelles pratiques dans le développement logiciel, des modèles financiers différents, des impacts forts sur le rôle et l'organisation des DSI, … VMware a très vite compris que se restreindre à ce qui a fait leur succès, l'hypervision, était dangereux pour leur avenir.

Cette couche "basse" se banalise, les alternatives open source ou commerciales (HyperV de Microsoft) vont provoquer une baisse des prix. Ils ont donc mis en place une stratégie de montée en valeur en se positionnant comme un acteur global des datacenters de demain (les rachats récents de DynamicOps et de Nicira vont dans ce sens).

où se trouve le danger pour VMware ?

VMware est un acteur leader sur le marché des entreprises : toutefois, sa part de marché va s'effriter au vu de la concurrence avec une perte de valeur associée. La question qui se pose est comment augmenter l'adhérence des entreprises qui utilisent déjà des produits VMware ?

Aujourd'hui, VMware y répond en misant sur le modèle hybride, celui des cloud providers "certified VMware" : créer un "monde" VMware quel que soit le mode de delivery du service liant services sur site client et sur site d'un fournisseur. Mais encore faut-il réussir le pari de l'adoption massive par les cloud providers des technologies VMware. VMware s'y attèle.

Or un acteur de référence est en train de faire le chemin inverse : il s'agit de Microsoft. Microsoft a lancé une stratégie volontariste sur le cloud (Office, Collaboration, Azure) et l'hypervision avec HyperV. Acteur leader des OS d'entreprises, HyperV va se "fondre" dans Windows 8 et disposera de l'extension cloud public constituée par Windows Azure.

Et je ne parle pas des autres acteurs comme Amazon (partenariat avec Eucalyptus pour une offre cloud privé compatible Amazon), ou Google qui lance plusieurs initiatives autour de ses services cloud : la dernière en date, un programme de partenariat fort avec des acteurs de l'intégration et de la revente.

le dilemme

Le dilemme pour VMware est donc de savoir si la société restera un fournisseur de produits revendus par des tiers ou deviendra un fournisseur de services cloud en propre. En imaginant ce dernier scénario, Vmware serait à même de dire aux entreprises "continuez à consommer nos produits et nous vous proposons une extension cloud public gérée par nous, totalement compatible et riche de services additionnels".

Un scénario qui pourrait faire sens, mais qui serait en rupture avec tous les signaux que VMware a, jusqu'à présent, envoyés au marché. VMware doit cependant se décider vite avant de constater une érosion trop forte de sa part de marché dans le monde des entreprises.

Daniel

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Daniel Chiossi

Depuis 2010, je suis le directeur marketing du programme Cloud Computing d'Orange Business. Particulièrement attiré par l'innovation, le cloud m'a choisi assez naturellement ! Cette fonction me permet de côtoyer de nombreux acteurs du cloud, de lire "entre les lignes" leur stratégie, de mesurer l'ampleur de la rupture. Les start-up ont ma sympathie, elles portent  en grande partie l'innovation du cloud. J'ai fait mienne cette citation de Steve Jobs : " Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d'autrui."