cloud computing, le malentendu !

Le cloud computing est sur toutes les lèvres mais de quel cloud parlons-nous ? Le cloud est un nouveau paradigme pour l'informatique. Lorsqu'un concept nouveau vient perturber un jeu d'acteurs en place, cela se traduit par trois comportements bien connus :

  • le dénigrement : "c'est une mode qui passera aux oubliettes de l'histoire" (voir la posture d'Oracle il y a deux/trois ans)
  • la surprise : "quoi de neuf, nous sommes cloud depuis toujours"
  • et le rafraichissement de façade : "toutes nos solutions sont cloud".

la vraie définition du cloud

Cet article se veut le défenseur d'une définition stricte du cloud. Pour cela, revenons aux fondamentaux du cloud, à son ADN. Le cloud se définit simplement en quatre mots :

  • on demand (à la demande) : dans le cloud, on consomme un service, on n'achète rien ! Ceux qui présentent une location financière comme du cloud détournent le modèle.
  • user lock-out (liberté de l'utilisateur) : le cloud redonne la main aux consommateurs. Cet aspect du cloud est peu commenté par les spécialistes. Cette liberté peut prendre plusieurs formes : la liberté de consommer, la liberté de changer de fournisseur. Cette dernière doit s'appuyer sur des normes : des organismes y travaillent, rien de bien concret à ce stade. La nature ayant horreur du vide, des standards de marché s'imposent comme le format de VM d'Amazon.
  • pay per use (paiement à l'usage) : à privilégier au" pay as you grow", car le paiement à l'usage s'applique à la hausse mais aussi à la baisse ! Mais le paiement à l'usage peut prendre différentes formes : certains le limitent à la variation quotidienne d'une unité d'œuvre. Trop restrictif ! L'usage doit correspondre à une unité de consommation visible du consommateur : du temps CPU mais aussi un abonnement par utilisateur par mois ou tout autre élément représentatif.
  • scalabilité : cette notion traduit l'extensibilité de la ressource informatique mise à disposition, elle est potentiellement infinie. Dans la pratique, c'est au fournisseur de s'en préoccuper, pas au consommateur. Elle prend sa forme la plus spectaculaire lorsque vous avez la possibilité de mettre en œuvre en quelques minutes 1000 VM pour un traitement informatique ponctuel.

où sont les distorsions ?

Dans ce paysage où tous les acteurs de l'informatique se retrouvent sur le même terrain de jeu, il apparaît des distorsions...

  • l'infrastructure de type Private Cloud

Ne sommes-nous pas en présence d'un oxymore ? Une entreprise qui décide de déployer un cloud dans ses datacenters fait-elle du cloud ? Non, elle fait le choix d'une nouvelle technologie IT qui passe par un investissement (pas cloud), une montée en compétence du personnel (pas cloud), la signature d'un contrat de maintenance (pas cloud), une scalabilité contrainte par son budget (pas cloud).

Un service cloud se suffit à lui-même, c'est sa grande différence avec l'IT. Il ne s'agit pas de remettre en cause la pertinence de cette démarche mais n'appelons pas ça du cloud, c'est confusant !

  • le logiciel en mode as a service

Probablement l'industrie du logiciel est la plus fortement impactée par cette transformation. Le logiciel cloud a une double particularité : il est conçu pour fonctionner via des réseaux longue-distance (Internet, intranet) et il est multitenant (même instance de l'application partagée par des millions d'utilisateurs). Lorsque vous investissez dans des millions de lignes de code, dans des modèles de conception logiciels, dans des schémas de distribution, l'arrivée du cloud fait voler en éclats des investissements qui se chiffrent en milliards de dollars.

Alors, plusieurs sont tentés par du faux cloud, des formules où le logiciel est simplement hébergé sur des plateformes dédiées. Les éditeurs ont transformé leur mode de licensing, passant de la "licence perpétuelle + maintenance" à un modèle récurrent "tout compris" par mois par utilisateur : rien à voir avec du cloud, ils épousent les besoins des fournisseurs de cloud.

Ceci donne le modèle de tarification par utilisateur assorti d'une durée minimum de contrat et d'un minimum de facturation sur la période. Encore une fois, ce modèle a sa raison d'être mais ne l'appelons pas du cloud, il s'agit d'un service managé !

le respect des fondamentaux

Le modèle cloud tient toutes ses promesses si les fondamentaux sont respectés. Dans la mesure où ce modèle perturbe le Landerneau des acteurs IT historiques, il engendre de nombreux malentendus, de la confusion qui ne facilite pas son adoption.

C'est ainsi dans toute rupture, il faut laisser le temps au modèle de s'installer, nous n'en sommes qu'au début. Cette rupture va re-distribuer les cartes de l'IT de demain avec son lot de disparition, d'acquisition, de concentration, de nouveaux entrants.

Pour terminer, je voudrais citer l'excellent blog de mon ami Randy Bias, fervent défenseur de cette rupture.

Daniel Chiossi

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Daniel Chiossi

Depuis 2010, je suis le directeur marketing du programme Cloud Computing d'Orange Business. Particulièrement attiré par l'innovation, le cloud m'a choisi assez naturellement ! Cette fonction me permet de côtoyer de nombreux acteurs du cloud, de lire "entre les lignes" leur stratégie, de mesurer l'ampleur de la rupture. Les start-up ont ma sympathie, elles portent  en grande partie l'innovation du cloud. J'ai fait mienne cette citation de Steve Jobs : " Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d'autrui."