comment le digital transforme le monde du travail ?

La transformation digitale de l’entreprise est sur toutes les lèvres. Mais concrètement, comment le numérique transforme le rapport que chacun noue avec le monde du travail ? C’est la question posée par la sociologue Anca Boboc lors d’une conférence consacrée à la collaboration universelle en entreprise, organisée par Microsoft et son écosystème.

Pour la sociologue Anca Boboc, aucun doute : l’arrivée du digital dans les entreprises marque une rupture ! Il y a bien un avant et un après l’émergence des usages digitaux, même si des tendances s’observaient déjà à l’orée du XXème siècle. Anca Boboc note ainsi l’expression d’une attente croissante des salariés à l’égard d’une plus grande autonomie au travail dès les années 80-90. Au cours de la même période émerge également une aspiration à une plus grande dimension expressive dans les activités professionnelles. A l’époque, les entreprises peinent toutefois à intégrer pleinement cette démarche, et ce qui peut s’apparenter à un nouveau rapport au travail demeure balbutiant.

autonomie et contrôle : équation complexe

Avec l’avènement du digital à partir des années 2000, les entreprises n’ont plus le choix : désormais, une révolution est bel et bien à l’œuvre ! Ce qui favorise naturellement la complexification croissante des modes de management et accentue la tension entre recherche naturelle d’autonomie de la part des salariés et besoin somme toute légitime d’un minimum de contrôle de la part des entreprise.

Pour la sociologue, cette tension se manifeste notamment à travers l’émergence de nouveaux lieux de travail. Avec le digital, le bureau se transforme et le poste de travail évolue. Les lieux réservés à l’activité professionnelle se font moins statiques, plus variables, plus mobiles, mais aussi plus temporaires. De nouvelles formes de travail à distance, mais aussi des tiers lieux de travail, comme les espaces de coworking, font leur apparition. Certains se teignent même d’une dimension si ce n’est militante, du moins très emblématique d’une rupture vis-à-vis d’un rapport au travail plus traditionnel. Ainsi, la Mutinerie à Paris s’est donné un slogan évocateur : « Libres ensemble ». Cet espace de coworking¸ au nom sans équivoque, accueille chaque jour dans ses locaux nombre de consultants freelance, développeurs, journalistes. Il héberge également le think tank Oui share, dédié à l’économie collaborative.

vie privée / vie professionnelle : où est la frontière ?

Bien sûr, cette révolution s’appuie sur l’arrivée de nouveaux outils, qui bouleversent les hiérarchies et génèrent plus de transversalité. Réseaux sociaux, mais aussi Smartphones et tablettes importent dans les entreprises des pratiques qui s’ancrent aussi dans les usages privés. Si bien que les tensions s’accumulent sur une frontière entre vie privée et vie professionnelle de plus en plus ténue.

Ténue, certes, mais pas poreuse ; Anca Boboc est affirmative sur ce point. Elle note au contraire une volonté accrue de la part des salariés de maîtriser pleinement l’articulation entre sphère privée et sphère professionnelle. La sociologue remarque toutefois que tous les salariés ne disposent pas de la capacité à négocier le passage de cette frontière étroite, pour des raisons liées à l’âge, à la catégorie professionnelle ou plus simplement aux horaires de travail.

La sociologue invite donc à la vigilance. Selon elle, « les pratiques numériques de la sphère privée ne déteignent pas spontanément sur la sphère professionnelle ». Autrement dit, rien ne se fera tout seul ! Pour opérer pleinement leur transformation digitale, les entreprises doivent adopter une démarche volontaire. La coopération intergénérationnelle comme le principe du tutorat inversé  - les jeunes  apprennent aux plus âgés à se servir des outils numériques – ont déjà leurs émules. Mais là aussi, attention ! Il ne suffit pas d’avoir 20 ans pour être un Geek. De plus en plus de Seniors s’imposent eux-aussi comme des utilisateurs avancés des outils numériques. Avec en plus l’avantage du recul et de l’expérience, ce qui leur permet de développer une vision stratégique qui manque parfois aux plus jeunes.

gérer la déconnexion

Et si la révolution digitale supposait aussi de savoir gérer la déconnexion ? C’est finalement la question que pose Anca Boboc. Pour développer pleinement une vision stratégique, il faut aussi savoir débrancher, mettre fin aux sollicitations incessantes, prendre le temps de se poser et de réfléchir un peu. Selon la sociologue, le principe de déconnexion renvoie à un ensemble de « solutions à trouver au niveau individuel, collectif et organisationnel ». Là encore, la capacité de se déconnecter dépend de plusieurs facteurs (type de métier exercé, catégorie socioprofessionnelle, situation familiale, etc…). Pour sa part, la sociologue plaide en faveur d’une co-responsabilité de déconnexion, partagée entre le salarié et l’employeur. Elle y voit le moyen de réinsuffler de l’autonomie et de la confiance dans le travail. Autonomie et confiance, voilà sans doute deux des principaux leviers de la révolution digitale.

Joévin

crédit photo : Sapphirework place - © Sergey Nivens

 

Joevin Canet

Journaliste, passionné par le digital, j'ai couvert l’actualité numérique au sein de l’équipe digitale d’Orange Business et accompagné le déploiement du dispositif éditorial appliqué aux blogs et aux réseaux sociaux de l'entreprise.