Quelle place pour l’IA dans la stratégie Data d’une organisation ?

Nous entendons parler de Big Data depuis 15 ans et l’intelligence artificielle (IA) s’impose depuis une décennie. Le marché reconnaît unanimement l'importance cruciale des données pour toute entreprise : posséder une stratégie data solide est devenu un impératif. 

Simultanément, nous assistons à une explosion de la taille et de la complexité des modèles d'intelligence artificielle et à leur concentration entre les mains de quelques acteurs majeurs. Cette tendance soulève des questions sur la viabilité des approches internes des entreprises en matière d'IA et redéfinit son utilisation. Quel est le rôle de l’IA dans les stratégies data des organisations ? Comment évoluent les investissements et la gouvernance ? Quel est le rôle de l’expert en entreprise ? Quelles sont les futures évolutions ? Nos conseils.

Opter pour des solutions prêtes à l’emploi

Le grand public peut désormais accéder à des modèles d’IA disponibles pour tous, très entrainés et de grande envergure. On estime, par exemple, que : 

  • ChatGPT coûte près de 700 000 dollars par jour à OpenAI
  • Les investissements dans ce domaine se chiffrent en dizaines de milliards de dollars. 

Malgré la dépendance croissante envers de grands acteurs, ces investissements ont considérablement diversifié les utilisations de l'IA, favorisant notamment la génération de contenu et accélérant le processus de programmation.

Les entreprises dont le cœur de métier n’est pas centré sur la data disposent de nombreuses solutions prêtes à l’emploi. Cela entraine des conséquences significatives pour les stratégies liées à l'IA. Désormais, il est possible de l’intégrer dans tous les processus de l’entreprise à moindre coût, sans devoir nécessairement investir dans le développement de modèles « maison », aux coûts prohibitifs.

Il faut s’attendre à une généralisation de l’adoption de solutions clef en main, y compris dans des directions métiers de l’entreprise qui n’utilisent pas encore de solutions d’IA. 

Il faut souligner deux effets de bord actuels qui se renforcent :

  • Il est inutile de rivaliser avec les acteurs spécialisés du marché, qui ont consenti des investissements importants pour développer des solutions d’IA. Recréer une IA générative à partir de zéro n'a que peu d'intérêt. 
  • Le contrôle des investissements accroît le besoin d'une approche FinOps pour gérer les nouveaux usages. Surveiller attentivement les coûts associés à ces nouvelles approches afin d'anticiper leur impact sur l'entreprise devient une nécessité.

Mettre en place une gouvernance des données mais aussi des usages ? 

Dans toute démarche centrée sur les données, leur qualité revêt une importance cruciale. Même avec l'avènement de modèles plus puissants, il est impératif de s'appuyer sur une méthodologie de collecte soignée et bien structurée. Les nouveaux modèles, bien qu'efficaces, ne peuvent pas remplacer une véritable expertise métier et une gestion réfléchie des données. S’il est facile de créer des Chatbots pertinents, leur valeur restera limitée s’ils ne peuvent puiser dans des données pertinentes. 

La disponibilité des modèles renforce leur utilisation dans toute l'entreprise. Des produits autrefois nichés au sein de la DSI ou seulement accessible par un public averti sont désormais accessibles en un clic pour tous les collaborateurs de l'entreprise. Cela nécessite un renforcement de la stratégie à l'échelle de l'entreprise pour publier, par exemple, une charte d'utilisation de l'IA ou sensibiliser les collaborateurs à la sensibilité de certaines données. Les risques de fuite de données, d’erreurs ou de coûts non maîtrisés sont réels et doivent être contrôlés.

Il est donc plus que jamais essentiel d'adopter une gouvernance des données à l'échelle de l'entreprise, mais également une gouvernance des usages pour sécuriser l’utilisation de ces nouveaux outils dans l’entreprise. 

Continuer à développer ses compétences Data pour tirer parti des solutions d’IA 

Malgré l'accessibilité des solutions clef en main, les entreprises continuent à avoir besoin d’experts Data et d'autres experts en Intelligence Artificielle. Les modèles préconçus offrent une grande variété d'utilisation, mais ne relèvent pas le défi de la compréhension en profondeur de chaque enjeu métier. L’expert Data doit avoir une maîtrise technique de la donnée mais également comprendre la diversité des défis métiers pour créer et exploiter au mieux ses modèles. L’enjeu ? Pouvoir tirer un maximum de valeur et de pertinence de l’analyse de ces données. 

C’est pour cela que l'expertise technique doit aller de pair avec une connaissance métier approfondie. En 2024, l’expert Data aura un impact plus important ; il identifie les données pertinentes et s’appuie sur la maîtrise métier des opérationnels pour utiliser ou enrichir ses modèles avec des informations plus ciblées ; il ne se focalise pas uniquement sur l'aspect algorithmique. C'est également une opportunité pour les experts d'apporter plus rapidement de la valeur. En exploitant des modèles déjà préfabriqués, on peut atteindre des niveaux de performance supérieurs sans mobiliser autant de ressources qu'auparavant. On pourra ainsi assister à la transformation du métier d’expert technique vers une profession alliant compréhension technique et expertise métier.

Les nouveaux modèles d'IA générative ne sont pas toujours la solution optimale pour toutes les situations. Par exemple, la prévision budgétaire ou des ventes à partir de modèles traditionnels statistiques, issus du patrimoine de l’entreprise est plus fiable et efficace que celle issue d’un modèle génératif. Les modèles de Machine Learning classiques fournissent par exemple une explicabilité et des indications sur les risques d’erreur, là où les modèles génératifs n’ont aucune garantie de vérité dans les résultats de calculs qu’on peut leur proposer.

L'avènement des modèles prêts à l'emploi ne signe pas la disparition des experts en intelligence artificielle au sein des entreprises, mais renforce au contraire leur expertise métiers. Avec les nouveaux outils et infrastructures, plus simples à maîtriser, les experts peuvent désormais explorer de manière approfondie les enjeux commerciaux spécifiques de chaque entreprise, offrant ainsi une valeur ajoutée encore plus significative.

Saisir les occasions de créer un avantage compétitif grâce aux innovations

Les modèles d’IA génératives continuent de susciter un vif intérêt, avec des versions de plus en plus performantes et abordables. Comme toute technologie, leur utilisation et leur accessibilité devraient se démocratiser avec le temps. À l'avenir, les performances dans des domaines tels que la rédaction et la formalisation devraient s'accroître considérablement. 

Toujours attendre le prochain modèle, qui sera probablement plus performant n’est en revanche pas une solution souhaitable : c’est prendre le risque de voir le marché évoluer et prendre de l’avance. Il faut donc avoir une approche raisonnée sur l’IA. Ai-je besoin d’IA « classique » ou d’un modèle génératif ? Est-ce que le modèle existant est assez performant pour répondre à mon besoin ?

Toutes les nouveautés ne sont pas nécessairement bénéfiques, d'où l'importance de se concentrer sur certaines priorités alignées avec le cœur d'activité de l'entreprise pour en tirer le maximum de valeur ajoutée. Une approche cas d’usage, ciblée et ajustée répondra à cette problématique.

Pour conclure, il faut insister sur un aspect fondamental, déjà vrai et qui le restera : une stratégie Data efficace, favorisant la collecte, la valorisation et l'exploitation du patrimoine de données, reste l'enjeu central pour les entreprises dans les années à venir. Et ce, quelles que soient les évolutions de l'Intelligence Artificielle dont nous entendrons parler. Identifier les indicateurs pertinents pour répondre de manière directe et efficace à ces problématiques de réduction des coûts est la clef de la réussite. 

Et la RSE dans tout ça ?

L’adoption croissante des IA génératives a un impact certain sur l’environnement et notamment sur la consommation énergétique. Elles nécessitent d’importantes quantités de données et de la puissance de calcul pour leurs apprentissages et leur exécution. La facilité d’accès à ces technologies amène à un effet rebond : en augmentant leur utilisation, on accroît également leur impact écologique. Il est donc crucial de garder en tête l'empreinte environnementale des utilisations d'IA génératives et de chercher à contrôler ou à concentrer ces utilisations sur les domaines où elles apportent le plus de valeur ajoutée à l'entreprise. Par exemple, en ne regardant que l’axe carbone, on estime que l’entraînement de GPT-3, l’ancêtre de l’actuel ChatGPT a engendré environ 552 tonnes CO2eq, soit l’équivalent des émissions de 55 Français sur un an. C'est non seulement bénéfique pour le portefeuille de l'entreprise, mais également pour la préservation de notre planète. Il est crucial de maintenir un équilibre entre l'innovation technologique et la responsabilité environnementale.

 

Gautier Barbereau
Gautier Barbereau

Gautier Barbereau est consultant principal chez Orange Business. Il accompagne nos différents clients dans l’élaboration et la conduite de leur stratégie Data. Passionné par les évolutions du marché de la donnée et de l’IA, Gautier travaille pour tirer et transmettre à nos clients la valeur issue des dernières innovations dans le domaine.