la donnée, sève de l'économie numérique

Cloud Computing, Internet des objets, Big Data, voici les trois piliers de l’économie digitale, et probablement, bientôt, de l’économie en général. Transport, santé, énergie, loisirs, jusqu’au simple ménage domestique, rien ne sera fera demain sans données.

Pas d’économie sans monnaie ! Sans doute pourrons-nous aussi dire bientôt : pas d’économie sans données ! La data est au cœur de tous les enjeux industriels, mais aussi sociaux, éthiques, et par extension politiques. Comment vivre, produire, travailler, créer demain dans un monde dominé par les données ? C’est bel et bien le défi de l’Internet des Objets.

la rupture du Big Data

Plusieurs évènements, colloques ou séminaires se sont fait l’écho ces dernières semaines de l’importance de l’enjeu. A commencer par le récent Salon du Big Data, où quelques-uns des principaux acteurs du numérique se sont succédés à la tribune. Marc Chemin, par exemple, directeur du planning stratégique de CapGemini, a ainsi présenté la synthèse d’une étude réalisée en partenariat après EMC auprès de plus d’un millier de décideurs en Amérique du Nord et du Sud, en Europe et en Asie. Pour 63 % d’entre eux, il ne fait aucun doute que l’avènement du Big Data correspond à une rupture fondamentale, qui impose un effort d’adaptation majeur pour affronter les croissances insolentes des nouveaux entrants, rompus à l’usage de la donnée. Dans sa présentation, Marc Chemin a ainsi souligné que le chiffre d’affaires d’Uber atteindrait certainement 10 milliards de dollars pour la seule année 2015, tandis qu’il n’a fallu que 2 ans à AirBnB pour déployer en région parisienne une offre comparable à 28 % de la capacité hôtelière totale de l’Ile-de-France.

Bien sûr, les entreprises traditionnelles sont confrontées à des freins, notamment l’apprentissage du traitement de la donnée en temps réel, ou l’adaptation aux nouveaux processus de développement. Mais certains groupes mondiaux sont déjà sur les rangs. Ainsi, dans un proche avenir, le géant Unilever « s’est donné pour mission d’interagir avec la moitié de ses clients dans le monde, soit un milliard de personnes » souligne le directeur de CapGemini.

User first !

Car sans utilisateur, la donnée n’a aucune valeur. C’est ce qu’a rappelé Axelle Lemaire, la secrétaire d’Etat au Numérique, en ouverture du Salon Big Data. « La valeur des données croît avec le nombre des utilisateurs » a ainsi souligné la ministre. Voilà ce qui fait la force des plateformes actuelles. Elles entraînent le passage « d’une économie de produit à une économie de services ». Leur credo ? Users first ! Pour Gilles Babinet, multi-entrepreneur, ancien président du conseil national du numérique, actuel Digital Champion (responsable des enjeux numériques pour la France auprès de l’Union Européenne) et auteur du récent essai « Big Data, penser l’homme et le monde autrement », le Big Data est « une nouvelle façon d’interagir avec la réalité ». A cet égard, « l’user experience est fondamentale. (…). Il faut penser les choses avec un pragmatisme absolu ».

les objets, principaux producteurs de données

Même son de cloche à l’occasion des Rencontres M2M, organisées cette fois-ci par Orange Business. « Les objets connectés n’ont de sens que lorsqu’ils correspondent à un besoin réel » expliquait à cette occasion François Teboul, Directeur Médical de Visiomed, opérateur qui commercialise des objets de santé connectés. Thermomètres, pèse-personnes, brosse-à-dents, mais aussi tee-shirt de footing, sans parler de l’incontournable montre-bracelet, tous ces objets du quotidien sont déjà connectés. Au point que « d’ici 2020, plus de 50 % des données disponibles dans le monde seront produites par des objets connectés » a souligné Luc Bretones, directeur du Technocentre et d’Orange Vallée. A la clef, de formidables progrès en termes de bien-être et de prévention santé. Mais aussi des inquiétudes légitimes quant à l’usage qu’il serait fait de ces données. C’est d’ailleurs sans doute dans le domaine de la santé et de la vie personnelle que la question de l’utilisation des données est la plus sensible. A cet égard, la confiance de l’utilisateur est au cœur des enjeux. Pour Luc Bretones, elle repose sur « un engagement de transparence sur le traitement de la donnée ». En France, mais aussi en Europe, les conditions propices à la confiance existent bel et bien. Lors de son intervention au salon Big Data, Axelle Lemaire rappelait par exemple que « nous avons en Europe le meilleur cadre de protection des données personnelles ». De plus, avec la loi Informatique et Libertés, « la France a été le premier pays à créer une grande loi de protection des données ».

de l’habeas corpus à la disruption

Doit-on s’en féliciter ? Sans aucun doute ! Faut-il s’en contenter ? Certainement pas ! Car l’heure est à la disruption, c’est-à-dire à la rupture et à l’innovation permanentes. Face aux objets connectés, le plus grand risque reste certainement celui de la pensée linéaire. Dans son intervention aux Rencontres M2M, Luc Bretones rappelait que Jérôme Monod, prix Nobel de médecine en 1965, estimait dans son ouvrage Le hasard et la nécessité (1970) que « la taille de l’ADN interdit sans doute à tout jamais que l’on puisse modifier notre génome ». Pourtant, depuis 2003, le génome humain est séquencé. Autrement dit, les certitudes d’hier ne seront pas celles de demain. A cet égard, un cadre législatif aussi vigilant qu’évolutif, soutenu par un débat permanent, reste certainement la meilleure réponse. Dans son discours de clôture, lors du salon Big Data, le philosophe et écrivain Eric Sadin, auteur d’une critique de la raison numérique, rappelait que l’Habeas Corpus, voté en 1679 en Angleterre pour défendre les libertés individuelles, « interdisait même au roi d’entrer chez les gens ». Autant y penser lorsqu’on passera notre aspirateur connecté.

Joévin

crédit photo : © mikkolem -www.fotolia.com

Joevin Canet

Journaliste, passionné par le digital, j'ai couvert l’actualité numérique au sein de l’équipe digitale d’Orange Business et accompagné le déploiement du dispositif éditorial appliqué aux blogs et aux réseaux sociaux de l'entreprise.