Dérèglement climatique : l’IA peut-elle contribuer à un avenir plus durable ?

L’une des conséquences inattendues de la pandémie de COVID-19 est son impact environnemental positif. Les confinements, les suspensions de vols et la massification temporaire du télétravail ont contribué à cela.

Cependant, en 2020, les émissions de CO2 ont tout de même représenté 80 % de celles de 2019 et ce malgré une économie mondiale presque à l’arrêt. Si l’on n’agit pas dès maintenant, on estime que les dommages économiques provoqués par le changement climatique, au cours des 20 prochaines années, pourraient être aussi préjudiciables qu’une pandémie de type COVID-19 par décennie. La technologie numérique peut-elle faire partie de la solution ?

Comment l’IA peut-elle être utile ?

L’IA et l’apprentissage automatique, souvent appelé Machine Learning (ML), ont eu un impact positif sur le monde des affaires ces dernières années. D’après une étude de PwC, 54 % des cadres confirment que le déploiement de solutions IA a augmenté la productivité dans leur entreprise.

Sur la question du dérèglement climatique, IA et ML pourraient aider à stimuler la productivité sans accroître les émissions. Prenons l’exemple d’une usine, ou les émissions doivent être réduites : les usines intelligentes peuvent utiliser des systèmes IoT (internet des objets) connectés, afin de suivre des paramètres tels que la localisation, la température et les débits. Ils peuvent alors utiliser IA et ML pour optimiser le flux de matières et ressources tout au long du cycle de vie d’un produit.

Ce mariage de l’IA et du ML avec des solutions IoT, dans les usines, crée ainsi un réseau connecté de machines et de personnes dans un environnement de production, à même de collecter et d’analyser les données, puis d’agir en temps réel. Cela peut permettre de réduire la consommation énergétique et les émissions carbone dans la production. En réalité, la surveillance et l’optimisation des processus de production, grâce à l’IA et au ML, peuvent réduire de 20 % l’intensité énergétique annuelle des entreprises manufacturières.

La consommation énergétique des bâtiments est un autre domaine prêt à être optimisé. En effet, l’énergie consommée par les bâtiments constitue environ un quart des émissions de CO2 mondiales liées à l’énergie. C’est probablement le domaine où les marges de progression sont les plus importantes.

Installer des capteurs intelligents dans un bâtiment pour surveiller la température ambiante, la température de l’eau, l’éclairage et la consommation d’énergie, puis analyser ces données à l’aide d’outils IA, permet de réduire jusqu’à 25 % la consommation d’énergie d’un bâtiment. Cela peut se faire en contrôlant automatiquement la température ou l’éclairage, selon les besoins dans des zones spécifiques du bâtiment. Cette technique pouvant être déployée rapidement, l’utilisation de l’IA pour surveiller et améliorer la consommation d’énergie de villes entières pourrait avoir un impact encore plus important.

Se concentrer sur les données

Les données sont au cœur du processus par lequel IA et ML peuvent aider à lutter contre le dérèglement climatique. Grâce à leur analyse, nous gagnons en compréhension et en connaissance. Ceci permet de mettre l’accent sur les zones qui nécessitent une attention immédiate et permet de prendre des décisions en étant mieux informés. Par exemple, les données sur les taux de déforestation pourraient constituer un soutien pour les responsables politiques et les autorités à prendre. De même, les mesures et données sur les températures de surface de la mer pourraient contribuer aux futures prévisions météorologiques des régions terrestres.

Autre exemple, l’IA peut nous donner les moyens de fabriquer de meilleurs systèmes électriques. Les réseaux électriques constituent une mine d’informations utiles sur les consommations, les jours ou périodes de pics d’utilisation, et bien plus encore. Le ML peut ensuite utiliser ces données et réaliser des modèles de prévisions autour de la production et de la demande d’électricité.

IA et ML peuvent également permettre de mettre au point des modèles prédictifs pour les énergies renouvelables, comme l’éolien. Les ingénieurs font régulièrement face à des défis pour prédire les changements météorologiques et, par conséquent, pour calculer les ratios entre l’offre et la demande. Ces outils peuvent utiliser des algorithmes construits avec des données issues d’anciennes prévisions météorologiques et des données issues directement des éoliennes pour réaliser des prévisions précises, permettant d’anticiper les besoins en production jusqu’à 36 heures avant. Cela permet aux opérateurs de programmer et d’optimiser l’apport énergétique dans le réseau électrique un jour entier en avance.

Exemple, le projet DeepMind de Google UK a démontré que l’utilisation de l’IA permettait de stimuler le rendement énergétique des parcs éoliens, grâce à ce type de modèle prédictif. Sur les parcs-tests, le gain a été d’environ 20 %.

Détecter le changement environnemental

Certains des impacts les plus importants du changement climatique seront provoqués par des systèmes et événements météorologiques extrêmes, tels que des changements dans la couverture nuageuse ou encore la fonte de la calotte glaciaire. Traditionnellement, les météorologues utilisent une multitude de données et une énorme puissance informatique pour réaliser leurs prévisions, basées sur des modèles prédictifs relativement élémentaires. Ces données sont recueillies à partir de sources telles que des satellites de l’espace lointain, des ballons-sondes météorologiques et des systèmes radars, tous sujets aux erreurs et inexactitudes. Les algorithmes utilisés par l’IA doivent permettre de combler les écarts dans le recueil de données des météorologues, en se servant des séries de données précédentes et des chaines d’informations.

300 000 kg de CO2
Estimation de l’empreinte carbone d’un seul modèle du langage naturel, soit l’équivalent de 125 vols allers-retours entre New York et Pékin

Source : Université du Massachusetts à Amherst

 

Les inquiétudes et les défis demeurent

Cependant, les inquiétudes demeurent. Celles-ci portent, d’une part, sur les préoccupations relatives à la vie privée et à l’éthique dans le fonctionnement de l’IA. D’autre part, les exigences de traitement massif de l’IA et du ML sont génératrices d’importantes émissions carbone.

En 2019, des chercheurs de l’Université du Massachusetts à Amherst ont analysé plusieurs modèles de traitement automatique du langage naturel (NLP) afin d’en établir le coût énergétique. Ils ont converti la consommation d’énergie en émissions carbone et en coûts électriques approximatifs et ont constaté que l’empreinte carbone d’une formation était d’environ 300 tonnes de CO2, ce qui représente environ 125 vols allers-retours entre New York et Pékin. D’après Virginia Dignum, Professeur en IA sociale et éthique à l’Université d’Umeå en Suède, « l’IA est à la fois un allié et potentiellement un destructeur de la lutte contre le changement climatique. » Ces inquiétudes doivent être abordées si l’on souhaite développer le potentiel de l’IA et du ML en tant qu’outils puissants dans la lutte contre le changement climatique.