point de vue : c'est en tuant des idées qu'on favorise l'innovation

Martin Duval de Bluenove n'est pas seulement un entrepreneur qui a réussi ni un simple évangéliste acquis à la cause de l'innovation ouverte. Il est également un auteur de textes marketing de l'innovation capable d'aller à rebrousse-poil. Alors que la plupart des apprentis innovateurs passeraient leur temps à expliquer comment produire de nouvelles idées (ce que dans la langue barbare de l'innovation on appelle un processus d'idéation) Martin Duval préfère, comme la plupart des innovateurs rompus à leur sujet, mettre l'emphase sur l'art subtil de la sélection et... de l'anéantissement des idées non viables. Voici ses réflexions, qu'il a bien voulu livrer à nos lecteurs : 

Récemment, j'ai eu la chance de pouvoir décrire les défis que les start-up françaises rencontrent vis-à-vis de du financement de leur phase d'innovation initiale ainsi que dans la gestion des partenariats avec les grandes entreprises. Cet article qui fut publié par la revue 01 informatique, intitulé Innovation, et si chacun jouait son rôle, je précisai que les startups devraient se focaliser uniquement sur les partenariats avec ces entreprises qui ont déjà mis en œuvre un processus d'incubation et de partenariat structuré. Parmi celles-ci, citons NOVA external venturing, qui fait partie du géant industriel Saint-Gobain, où VEOLIA innovation accelerator. Parmi les processus d'innovation ouverte qui ont été créés et mis en œuvre par ces grandes entreprises, j'ai mis le doigt en particulier sur leur capacité à « tuer » les innovations et les partenariats potentiels. Je sais que cela peut paraître étrange venant de la part d'un évangéliste de l'innovation mais j'insiste, on doit apprendre à dire non si l'on veut arriver à des résultats positifs. Ce que je veux dire par là c'est que les startups par nature ont des ressources et du temps limité pour essayer de comprendre les schémas d'organisations complexes des grandes entreprises. 

Les points d'accès ainsi que les processus de décision y sont aussi souvent décourageants. De ce fait, quand une grande entreprise est capable de le mettre en œuvre et qu'il existe un processus pour filtrer les partenaires potentiels dans un délai raisonnable, au lieu d'envoyer un message négatif, ceci permet au contraire de renvoyer une image positive. Je recommanderais un délai d'1 mois à 1 mois ½ au plus pour revenir vers les responsables des start-up et éviter de les maintenir dans l'expectative. La Start up en question peut alors décider de poursuivre ses tentatives de partenariat courant le risque de trouver d'autres points d'entrée dans l'entreprise, de changer ce qui nécessite d'être changé dans son projet, voire même de chercher un autre partenaire. Dans l'idéal, et c'est paradoxal, plus un retour négatif est expliqué et détaillé, plus la valeur pour la start-up est grande : de telles explications peuvent en effet mettre en exergue les faiblesses inhérentes au projet original, ainsi que de mieux identifier les marchés cibles des nouvelles solutions. 

En conséquence, c'est un moyen aisé pour les grandes entreprises de fournir de la valeur et en même temps d'améliorer leur réputation à l'intérieur de leur écosystème de l'innovation. Il est certain cependant que rejeter une candidature demande beaucoup de préparation ainsi qu'une démarche structurée et enfin des ressources adaptées de façon à livrer une analyse correcte et gérer le suivi dans le mois/mois ½ qui est imparti. En fait, le processus de réjection d'un dossier peut intervenir à chaque étape du processus d'innovation avec une plus haute probabilité et plus de préparation au départ du processus, puis à partir du premier filtrage avant le contact, juste après le contact premier contact/meeting, après l'étude d'opportunité, pendant la négociation de partenariat et après les premiers tests. D'une certaine façon, je crois même qu'avoir un processus de sélection rigoureux rend l'entreprise plus attractive encore et lui donne une bien meilleure image que des succès isolés obtenus au fil du temps. En outre, ce type de processus s'applique non seulement aux startups mais aussi aux universités, aux centres de recherches privés ou publics, aux fournisseurs et aux clients impliqués dans les initiatives de crowdsourcing etc. En définitive, les grandes entreprises peuvent tirer un bénéfice concurrentiel de la gestion de ces filtres aux propositions d'innovation de la part des startups et autres acteurs de l'innovation externe. Plus le processus est strict, plus cette entreprise sélective deviendra désirable, aux yeux des acteurs plus modestes de l'innovation.

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De même, en ce qui concerne la gestion des processus d'innovation internes, trop peu d'attention y est portée à l'élimination des projets non viables à mes yeux. Bien souvent, un pipeline d'innovation standard est conçu - au sein d'un processus global innovation - avec un grand bec verseur à gauche de l'entonnoir appelé idéation et un tuyau beaucoup plus fin sur la droite, dont les projets réussis émergent. Encore une fois, il y a beaucoup de valeur à retirer de la suppression des projets non viables à chaque étape du processus d'innovation et voici quelques exemples des bénéfices que vous pouvez espérer d'une meilleure vigilance à ce sujet :
    • réallouer des ressources à d'autres projets plus prometteurs ;
    • apprendre des essais et des erreurs et capitaliser sur les meilleures pratiques pour tous les projets ;
    • développer la culture de l'innovation - en apprenant de ses erreurs, et en visant le succès - de façon à faciliter la motivation et encourager les idées innovantes;
    • simplifier les portefeuilles de projets ;
    • réduire les recouvrements entre les projets sans parler de la concurrence interne entre ces derniers.
Le processus d'innovation devient de plus en plus collaboratif grâce à l'émergence des plates-formes d'Entreprises 2.0 qui supportent ces processus de gestion des idées et des projets. Il s'ensuit naturellement que partager ses réflexions autour des innovations qui ne peuvent pas être acceptées et des projets qui devraient être éliminées est une obligation impérieuse. Encore une fois, insistons sur le fait que le nombre de ressources allouées au filtrage de ces projets et à leur élimination est un point important de ce processus. À la fois le rejet voire l'élimination des fausses bonnes nouvelles idées/innovations peut fournir à l'entreprise des bénéfices en termes de compétitivité. Etes-vous - et votre entreprise - prêts à sauter le pas afin d'en retirer les bénéfices attendus en termes d'image ? Si c'est le cas, entraînez-vous à dire NON et à tuer plus de mauvaises innovations !

Bluenove est une entreprise de conseil spécialisée dans l'innovation collaborative et ouverte : http://www.bluenove.com
Yann Gourvennec

Je suis spécialiste en systèmes d'information, marketing de la highTech et Web marketing. Je suis auteur et contributeur de nombreux ouvrages et Directeur Général de Visionary Marketing. A ce titre,  je contribue régulièrement sur ce blog pour le compte d'Orange Business sur les sujets du cloud computing et du stockage dans le cloud.