la toile à la recherche des temps nouveaux ... et de ses modèles économiques ?

La toile va-t-elle craquer ? Telle fut la question posée à un panel d'experts prestigieux lors de cette session de l'université du Medef que nous annoncions sur Posterous

Or cette question - pour surprenante qu'elle fût - ne trouva de réponse qu'à la fin d'un débat qui se poursuivit bien au-delà de l'heure prévue, signe que les sujets abordés ont intéressé le public. Si donc le problème de l'explosion de la toile ne se pose pas - IPV6 arrive en force et (Orange Business n'est pas en reste), et d'autre part l'Internet a pris une telle place dans nos économies que tout problème technique devra trouver, coûte que coûte, sa solution - par contre, les bouleversements en termes de modèles économiques sont nombreux : Universal music fait déjà 50 % de son chiffre sur le Net, certes, mais celui-ci s'est écroulé à cause de l'Internet également ; le Kindle d'Amazon - facétieusement arboré par notre ami Loïc Le Meur et présenté comme la solution à nos problèmes écologiques malgré les évidences contraires - bouscule le monde de l'édition aux Etats-Unis ; Twitter et le microblogging bouscule les blogs et la création de contenus sur Internet ; le Web est une source majeure de revenus des pages jaunes mais en même temps il en sape le véritable fondement (les pages jaunes papier elles-mêmes qui s'empilent dans les halls d'immeubles car les usagers se renseignent sur Internet, encore Internet !) ; et le monde qui « n'a jamais été aussi lu et pourtant aussi peu acheté » selon le Président de son directoire, et ceci grâce encore à Internet.

C'est donc acquis, après des années d'échauffement, la désintermédiation est à tous les étages. Mais cela ne veut pas dire que c'est la fin du monde. Juste un changement d'ère (d'air ?) ; un peu comme si on passait à nouveau du train à vapeur au train électrique. En fin de compte, ce n'est pas si dramatique. Il faut juste s'adapter : ce que le titre des universités du Medef laissait entendre (« à la recherche des temps nouveaux »). Or, c'est à mon avis ici que le bât blesse. La table ronde nous a montré peu de portes de sortie, peu d'imagination, peu de nouvelles possibilités de s'adapter au monde qui bouge. Nous nous plaignons du manque de financement, mais où sont les journaux de demain ? Les disques ne se vendent plus, mais où sont les nouveaux modes de diffusion de la culture : les chants des troubadours dans les cours ? Où sont donc passés les nouveaux modèles économiques, l'innovation, l'inventivité ? 

Au moment même où les blogs menacent les journaux établis (en voir la métaphore à peine caricaturale dans le film Sate of Play/Jeux de pouvoir), Loïc Le Meur lui-même prône le renversement des blogs par Twitter (après avoir fait la promotion des blogs dans sa période sixapart), mais est-ce juste un changement d'outil, voire même une superposition ? Pas une révolution, une évolution, juste une innovation de plus, et pas un nouveau mode économique. Aussi, pourquoi abandonne-t-il aussi Seesmic dans son format vidéo d'origine, au moment où le marché mûrit en ce sens. Les modèles économiques, ce sont encore les États-Unis qui les inventent. Comme Google qui va distribuer des film payant sur YouTube, Twitter qui s'apprête à faire payer ses messages, Friendfeed qui se profile, Posterous qui fourbit ses armes et qui sera l'innovation suivante etc. etc.

Xavier Niel : Fondateur de Free, a commencé sa vie dans l'Internet. 1er FAI en 1993 et faisait du online avant. Internet c'est ma vie. On n'y croyait pas, on a vu Mosaic et on après 94-95 les grandes entreprises sont venues voir ce qu'on faisait. On croyait que ça resterait pour les techniciens. Payer à l'usage est quelque chose qui va disparaître, on a vu venir la forfaitisation. C'est un métier de support, devenu un métier quasi industriel. La prochaine étape est le mobile car grâce à l'iPhone, on va vers le toujours connecté.

Christiane Féral-Schul : avocate, spécialisée dans l'Internet depuis le début. Au moment où Internet est sorti, il y a eu énormément de questions qui ont été tranchées. Le logiciel était-il protégé par le droit d'auteur ? par exemple. A rédigé l'ouvrage Cyber droit, dans sa 5ème année. Le cabinet est entièrement dématérialisé. Le dossier complet est numérisé, et les relations avec les clients se font par Internet aussi. Les échanges par mail et téléphone avec une perte de contact humain mais avec une relation + riche aussi. Dans notre métier il faut être innovant.
Quel élément a été déterminant du succès du Web ?
JPR : Seulement 25% des entreprises françaises ont une présence sur Internet. Seulement 3% des entreprises françaises permettent de faire des transactions. Ce qui a fait que Pagesjaunes a été bien positionné c'est le minitel. On est encore tout au début. Pour l'entreprise française, la réalité c'est qu'il faut un site Web pour transformer la visite en transaction. 
EF : Le Monde a été dans le Minitel. Mais les journalistes étaient dans la culture du papier. Il leur a fallu du temps pour réaliser que le support se déplaçait vers le Web. Le groupe Le Monde fait 450M€ le web (pour le Monde) fait 3M€. On est dans la construction de modèles métis, et il y a une révolution culturelle pour que tous les temps de l'information soient respectés. On ne peut plus raconter ce qui s'est passé la veille. Avec Twitter, on sait en temps réel ce qui se passe. Cette révolution ne va cannibaliser un support par rapport à un autre. Contenus payants ? Le Monde a toujours été un site mixte. Il y a accès gratuit avec abonnement à 6€. L'Internet pousse cependant à un modèle déflationniste. Rupert Murdoch a changé d'opinion, et privilégie le gratuit vs le payant. Il faut être gratuit et ensuite emmener vers le payant.
LL : lit le Monde sur son Kindle et le paie. N'a jamais autant acheté de livres dans une si courte période. Mise à jour automatique (sur les réseaux data américains). Amazon est en train de désintermédier de la même façon que Apple a désintermédié. Amazon peut savoir sur quelle page je me suis arrêté. Amazon a décidé de retirer un produit qui avait été acheté cela leur a fait beaucoup de tort, ils ont dû le remettre.
PN : Le Web est aussi un allié. Ce n'est pas parce que vous allez télécharger le livre qu'il n'y aura plus de producteurs. Le producteur travaille sur les contenus et promeut l'artiste. C'est un vrai métier. La digitalisation c'est formidable mais il y a beaucoup de mythes, comme celui de la longue traîne. C'est l'idée d'avoir beaucoup d'œuvres peu téléchargées. La réalité du marché c'est que l'Internet concentre les choix. C'est la théorie du restaurant vietnamien : plus vous donnez le choix au gens, plus ils ont du mal à choisir.
TS : Pour naviguer dans le choix et la complexité il y a l'avènement des moteurs de recherche sémantiques. Plus les contenus sont enrichis plus ils sont consommés. « Natal » c'est le corps humain comme télécommande de la console de jeu. La console comprend l'intention de l'utilisateur. « surface » c'est une table à digitaliser. C'est l'avenir du Web. 
XN : sur la VOD on s'est trompés, ce qui intéresse les clients ce sont les blockbusters. Il n'y a pas de recherche de la qualité et la variété n'aide pas la vente. Internet a permis de faire émerger des talents. Historiquement, la maison de disque voulait imposer 10-20 titres. Internet a permis d'imposer des artistes par du bouche à oreille. Grégoire et The Do etc.  Je pense que le métier de production de l'artiste va disparaître, ce qui va rester c'est la performance en Live. Le spectacle Live est la réalité de l'artiste, le reste est dans la gratuité. Le Live devient la réalité.
PN : les artistes qui viennent soi-disant de l'Internet ont des producteurs derrière. L'idée que la musique enregistrée est morte et le réel est le Live c'est le retour vers les années 20. La musique n'a jamais été autant écoutée même si elle n'a jamais été aussi peu payée. Il va falloir répéter au citoyen que l'Internet n'est pas une zone de non droit. 
peut-on réglementer l'Internet par des lois, n'est-on pas toujours en retard d'1 loi ? 
C F-S : Oui et Non. Non car ce n'est pas une zone de non droit. Mais toutes ces lois ont toujours un train de retard. La loi pour la confiance dans l'économie numérique a mis le point sur les 3 acteurs, mais le 2.0 fait que tout à coup on s'est retrouvés devant les tribunaux sans savoir qui était vraiment l'hébergeur, ou si l'hébergeur n'apparaît pas, que Dailymotion n'est pas hébergeur mais éditeur ou vice versa. Le téléchargement ? beaucoup de gens sont passés à autre chose. L'exception de la copie privée date de 1957 a été créée avec l'environnement analogique. Avec le numérique on est passés au clone, ce qui a créé toute une série d'exceptions. Toute la jurisprudence s'est appesantie sur ce genre de débats. (pour ne pas faire polémique, je ne veux pas aborder la loi Hadopi).
XN : Il y a un vrai problème en France car nous avons une industriel culturelle forte, mais tous les pays pensent à une oi de ce genre. Mais vous verrez dans quelques années on aura réglé le problème autrement 
JP C : Hadopi ne parle pas aux entreprises, le pb de l'Internet est de sécuriser les outils de l'Internet pour permettre aux entrepreneurs d'améliorer leur efficacité grâce à un bon usage de l'Internet. Les entreprises opposent toutes le risque, car Hadopi a obscurci le débat. Je pense qu'il faut retrouver un équilibre. Ce débat sur la problématique intellectuelle est loins ces préoccupations. 
E F : Il y a d'autres modèles économiques, comme dans la téléphonie mobile où les gens ne paient pas le mobile alors qu'il a pourtant beaucoup de valeur. Les entreprises doivent comprendre les transferts de valeur sur Internet et se positionner dessus car s'ils ne le font pas, d'autres le feront. Je ne vais pas sur le terrain de la taxation des produits non culturels, mais sur l'innovation économique. Ce qui m'ennuie c'est que iTunes n'a pas été inventé en Europe. 
L L : L'image de la France commence à ressembler à la Chine. Cela fait la Une de la Silicon Valley et c'est entièrement négatif. 
E F : L'esprit français est très réglementaire, mais ce qui importe c'est la qualité de l'offre. Il faut qu'elle devienne indispensable, et c'est là qu'on trouvera de la valeur. Je ne crois pas au tout gratuit ni au tout payant, il faut être pragmatique. Je ne crois pas à la réglementation.
JP R : je préfèrerais qu'on nous parle de l'entrepreneurariat
L L : les acteurs principaux du Web sont américains. On devrait surmédiatiser la création de revenus grâce à Internet comme les applications qui se vendent sur Internet. 
T S : tous les 2 ans 30-40% du trafic de l'Internet change de nature. 9.5milliards € sont investis par Microsoft en r&d autour de l'Internet. Pourquoi les bonnes idées en France aboutissent à des entreprises à 20 personnes comme Netvibes.
Q&R
Licence globale ?
P N :Les systèmes d'abonnements vont se développer. En musique iTunes, c'est 1/3 du business seulement car il y a beaucoup d'autres acteurs comme les opérateurs ou la Fnac. 
Business Angels et Capital risque en France ?
T S : Avec les fonds ISF, la France a permis de réinjecter 1 milliards € dans les PME ce qui fait que la France devient un des pays les plus attractifs. En r&d, on peut financer son projet à quasiment 100%.
JPR : il n'y a pas de pb de financement des start ups en France, le pb est dans l'étape suivante. Quand une PME a besoin de moyens pour devenir un leader mondial, c'est là qu'on a du mal.
La toile va-t-elle craquer ?
X N : Il n'y a pas de pb de ce côté, et en France nous sommes très bons sur les connexions. 
L L : ce n'est pas un pb de taxe (+ hautes aux US) ni de connexions (meilleures en France). Le vrai danger c'est de sauver les entreprises du passé vs encourager les startups du futur. 
JP C : il y a une offre technique robuste qui va continuer à se développer, le danger c'est de se faire rattraper en France par l'Asie vs la Silicon Valley. 

Je suis spécialiste en systèmes d'information, marketing de la highTech et Web marketing. Je suis auteur et contributeur de nombreux ouvrages et Directeur Général de Visionary Marketing. A ce titre,  je contribue régulièrement sur ce blog pour le compte d'Orange Business sur les sujets du cloud computing et du stockage dans le cloud.