A bâtons rompus avec Eric Dadian (AFRC)

Orange API ferme ses portes le service sera définitivement interrompu à dater du 12 septembre 2013

http://api.orange.com/fr/fermeture-orange-api

 

Eric Dadian est le président de l'Association Française de la Relation Client. Lors du Forum Serv'Innov organisé par le centre de compétitivité Nekoé, il s'est exprimé sur les métiers et les défis de ses membres.

Pascal Boulard: Le web va-t-il être en concurrence du centre d'appels ?
Eric Dadian: Les entreprises et surtout celles « Web Centric » ont pris conscience de l'ampleur de la transformation de la chaine de valeur et qu'Internet est devenu le moteur central de leur croissance de Chiffre d'affaires et de leur différenciation compétitive. Elles vont utiliser Internet comme le point d'accès premier, le téléphone, le dialogue à distance venant en soutien à l'activité du web pour l'après-vente.
En revanche, le téléphone sera toujours plus performant en matière de vente que le web. Selon une étude de la FEVAD, les visites sur le web transforment à 1,89% en vente alors que l'on passe à 32% pour le téléphone 32% et 50 % en face à face. Depuis que le web s'est invité dans la vie des consommateurs, les clients ont énormément élevé leur niveau d'exigence et d'impatience : accessibilité permanente, réponse en temps réel, exhaustivité, comparaison, seul le numérique a réponse à tout.
 
La relation client liée au mobile ouvre-t-elle de nouvelles opportunités ?
Nos études démontrent que l'Internet Mobile est devenu incontournable dans les usages. Il concerne toutes les générations et s'est installé dans les habitudes des français. De plus, l'Internet Mobile est révélateur des attentes des clients. Il permet de communiquer davantage, de partager plus de données et d'informations, d'affirmer son identité et ses préférences. Il instaure un nouveau rapport à la consommation, avec des consommateurs plus informés, plus exigeants et aussi plus facilement contestataires. Enfin, l'Internet mobile rompt les chaînes de valeurs conventionnelles. De nouveaux acteurs apparaissent sur la formation des prix et la répartition de la valeur en intégrant des services supplémentaires. On parle là d'économie servicielle.
Dans ce schéma, les distributeurs ne vendent plus de produits mais facturent de l'usage.  Avec l'Internet Mobile, nous entrons aussi avec le mobile dans l'ère de la mobiquité. En effet, 7millions de smartphone en France permettent de garder le contact permanent. Enfin, avec son mobile, le consommateur est devenu l'Acteur de sa relation avec les marques

 Comment voyez-vous l'avenir de la Relation Client ?
Les habitudes d'achats des Français se sont modifiées en profondeur, de nouveaux réflexes se créent et le produit devient secondaire. Le consommateur veut mettre son grain de sel dans les offres que les annonceurs lui proposent à l'image des prises de paroles sur les réseaux sociaux ou wikis. Et ce besoin de participation touche toutes les générations et pas seulement les jeunes, rendant urgent la nécessité pour les marques de s'adapter. Pour lutter contre l'infidélité croissante des clients, les marques ont l'obligation de nouer un lien de collaboration avec eux et doivent leur donner l'impression de faire partie du même réseau, de créer un attachement durable.
Le public ne veut pas seulement de la complicité, il veut de la proximité, de la compréhension, de l'écoute et avoir la résolution de sa demande au premier contact et les marques auront à assurer un suivi permanent de leur relation client tout au long de la vie du produit. Pour maintenir ce contact, elles devront vendre des services complémentaires, accentuer les conseils pratiques et la fidélisation ne pourra plus se limiter à faire gagner des points. Les formes prises par la relation client seront multiples, connectées en permanence, et tous les canaux seront laissés au choix du client : site web, chat, email, click to call, téléphone, et sans oublier le face à face dans des lieux physiques.
 Dans une société orientée sur les services, les habitudes de consommations vont se transformer. A titre d'exemple, la finalité ne passe pas par la possession d'un objet comme un vélo, mais  par un accès aux meilleures solutions de déplacement en utilisant le Velib. C'est ce qu'on appelle l'économie de la fonctionnalité, dans laquelle la responsabilité du produit est transférée du client sur les services de Relation Client.
 
Est-il possible de créer de tels services en France ?
Oui mais leur développement sera moins rapide que dans les pays anglo-saxons qui disposent d'un environnement juridico-social plus favorable :  les flux et la volumétrie de ces services, quel que soit le canal utilisé, imposeront aux entreprises de se dimensionner 24h/24 et 7 jours / 7 , d'être accessible avec de très bons taux de prise des contacts et des critères de taux de résolution des demandes des consommateurs (« once and done ») de plus en plus exigeants.
En France, les nombreuses contraintes qui pèsent sur nos entreprises de services freinent la création d'emplois. Nous comptons 260.000 téléconseillers en France pour 500.000 en Allemagne et 1.100.000 en Angleterre. Les freins sont l'interdiction de travailler le dimanche, des contrats de travail qui ne sont pas adaptés à la durée des missions, comme en Angleterre, et à la variabilité imposée par les consommateurs. Si le télétravail est en forte croissance au Royaume Uni, c'est parce qu'il y est possible d'utiliser des statuts d'auto-entrepreneur. Cela est impossible en France car cela pourrait être requalifié en salariat déguisé par l'Urssaff.  Enfin, les prélèvements sociaux et les impôts pèsent sur les emplois de service. Ainsi, la Taxe Professionnelle va être remplacée par une taxe sur la valeur ajoutée  et cela sera plus pénalisant pour les entreprises qui ont 80% de charges composées de salaires.

Nicolas Jacquey
Pascal Boulard

nsp