Livre blanc : comment les grandes organisations s’adaptent dans la durée à un développement massif du télétravail ?

Les vagues successives du confinement ont accéléré de manière conséquente le recours au travail à distance en France. Orange Consulting a réalisé une enquête qualitative auprès d’un panel représentatif de 18 grandes organisations hexagonales pour comprendre le développement de leur stratégie télétravail avant, pendant et après la crise sanitaire. Le résultat de ces travaux fait aujourd’hui l’objet d’une publication sous forme de livre blanc.

Le livre blanc ainsi que le présent article ont été réalisés par Stéphane Boulard, Sandrine Da Silva, Sara Ouarab, Alexia Vanson et Théo Verdier.

 
Comment les grandes organisations s’adaptent dans la durée à un développement massif du télétravail ?

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Comment les employeurs se sont-ils adaptés au recours général au travail à distance pendant le premier confinement ? Quel impact a eu cette crise sur l’expérience salarié et l’activité ? Quelle conséquence aura-t-elle à long terme sur la stratégie RH des grands groupes, leurs espaces de travail ou encore le maintien du lien au sein de leurs équipes ?

Ces questions ont dirigé nos travaux, menés à travers une série d’entretiens conduits avec des responsables directement impliqués dans la gestion du dossier télétravail au sein d’un ensemble de 18 organisations composé à la fois de sociétés du Cac 40 (Renault, EDF, Schneider electric, …), de grandes entreprises de 1 000 à 5 000 salariés et d’institutions publiques (Caisse des dépôts, Acoss, …)

Un « effet cliquet » du confinement sur le télétravail

Premier constat issu de nos entretiens : le télétravail a été utilisé au sein des grands groupes comme un outil massif de maintien de l’activité. Si un actif sur cinq a pratiqué le télétravail pendant le premier confinement (étude Odoxa), près de 90% de l’effectif des organisations de services du panel (banques, assurance ou encore cabinets de conseil par exemple) a exercé son activité à distance. Parmi les secteurs où le présentiel joue en rôle clé, on a pu décompter un recours inédit au télétravail, près de 70% pour les collaborateurs d’EDF ou 100% des fonctions éligibles de la Sodexo.

En ce sens, la gestion du risque épidémique a permis à un vaste ensemble de salariés d’accéder de manière inédite au travail à domicile. Les répondants du panel ont unanimement cité le cas des téléconseillers, dont l’activité était jusqu’au printemps 2020 traditionnellement assignée à une présence physique. L’une des grandes banques de notre panel a aussi permis un accès inédit au travail à distance à ses conseillers en agence, développant plus encore son recours à la visioconférence pour maintenir ses relations clients malgré des rideaux fermés.

De ces éléments émerge ce que nous avons désigné comme un « effet cliquet » du confinement : de l’aveu des interlocuteurs RH interrogés, il sera difficile de demander à des salariés ayant bénéficié du télétravail en 2020 d’y renoncer une fois les contraintes sanitaires derrière nous. A ce titre, les répondants font état en parallèle d’une réduction bienvenue des freins managériaux qui ont pu limiter le développement du distanciel dans certaines verticales de l’entreprise. Le passage dans des proportions inédites en télétravail par le « top management » ainsi que le constat que de nombreuses activités pouvaient se faire à distance achèvent de déconstruire des préjugés au sein des chaînes de direction.

A court terme : vers une vague de renégociation des conditions du télétravail

L’exigence du présentiel décroît et de nouveaux modes de collaboration ont vu le jour pendant la crise. Ce développement est-il pérenne ? Les entreprises du panel ont en tout état de cause anticipé un recours accru au télétravail dans la durée. Pour ce faire, plus de 70% d’entre elles travaillent depuis la rentrée de septembre 2020 et au cours du premier semestre 2021 à renégocier leurs accords télétravail. L’objectif est d’adapter les règles héritées de la période pré-confinement avec les pratiques en vigueur actuellement.

Dans le dialogue avec les instances du personnel, se pose principalement la question de l’accès au télétravail, comprenant le nombre de jours autorisé et le type de population y ayant droit. On peut souligner qu’aucune des 18 organisations du panel ne compte dépasser un ratio de trois jours maximum par semaine à domicile. La discussion est également attendue sur les conditions dans lesquelles s’effectue le télétravail. Face à l’incertitude économique, les entreprises souhaitent revoir le modèle de participation aux frais, notamment pour mieux accompagner le salarié dans l’équipement d’un poste de travail à domicile.

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Les entreprises adoptent une stratégie en trois étapes, comprenant en premier lieu la renégociation de leurs accords télétravail. Illustration extraite du livre blanc

Vers une évolution de l’animation du collectif et des espaces tertiaires

L’année 2020 et le début de 2021 sont consacrés à la gestion des urgences et au maintien de l’activité. Ce qui n’empêche pas de nombreuses réflexions d’émerger sur l’évolution de l’organisation du travail à moyen terme au sein des entreprises interrogées. Comment maintenir un esprit d’appartenance et la cohésion des équipes avec 90% de salariés ayant recours au travail à distance ? Comment accompagner les managers dans l’animation permanente d’une équipe en mode hybride, en physique et à distance ?

Pour y répondre, les organisations lancent diverses initiatives et groupes de travail, où sont représentés la pluralité des métiers de l’entreprise. Sur la base d’un accord télétravail qui fait office de tronc commun, l’objectif de ces « think tanks » internes est de proposer un modèle d’organisation où chaque collectif peut définir des règles adaptées à son activité.

Enfin, le développement du travail à distance implique une revue générale de l’occupation des espaces de travail. Le retour au présentiel au mois de septembre a illustré le besoin de revoir à la fois le mode d’organisation des espaces, le nombre de positions occupées par l’entreprise et le maillage territorial. Face au développement de « plateaux fantômes », on réfléchit à réduire l’empreinte immobilière des sociétés, limitant ainsi leurs charges. Et ce, en faisant évoluer une partie des surfaces récupérées vers le développement des espaces collaboratifs. Les répondants relèvent qu’il faut à la fois faciliter la rencontre des salariés présents physiquement et renforcer l’attractivité des sites, à une époque où de nombreuses tâches pourront se faire à domicile.

Toutefois, l’impact immobilier prévu demeure une perspective à développer d’ici deux à cinq ans. Les entreprises prévoyant une évolution progressive du corps social vis-à-vis du ratio de positions de travail par salarié. Dans cette perspective de moyen voire de long terme, les organisations seront amenées à ouvrir de nouvelles réflexions telle que l’évolution de leur maillage territorial par exemple dans le contexte d’un changement des priorités et lieux de vie de leurs salariés.

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Théo Verdier

Consultant en transformation digitale collaborateur, je travaille sur la transformation de l’espace de travail à travers des projets orientés immobiliers et social collaboration.