simplicité et interopérabilité, deux notions clefs pour le suivi des maladies chroniques

Nous avons parlé dans mon précédent article des problèmes rencontrés de nos jours par les diabétiques pour le suivi de leur maladie, intéressons-nous plus en détails à la solution mise en place lors du mHealth Grand Tour 2013 et à ses enseignements.

une première mondiale au bénéfice des diabétiques


Durant mHealth Grand Tour 2013, la GSMA, Orange, ANT+, Dexcom, HMM, McCann Health et Sony Mobile se sont rassemblés pour mettre au point une solution de suivi en ligne et sans fil de la glycémie en continu, complétée d’un suivi du rythme cardiaque, du poids et des performances des cyclistes.

Une première mondiale puisque toutes les données ont été stockées dans le cloud d’Orange et rendues accessibles par le web à l’aide d’un tableau de bord convivial, qui pouvait du reste aussi être consulté par les amis et la famille. Le portail permettait également de localiser les cyclistes afin de voir à quelle étape du Tour ils se trouvaient.

La solution a été développée en quelques semaines à l’aide de capteurs envoyant les données à un smartphone et à un module M2M que les cyclistes avaient sur eux. Pour les dispositifs mobiles, un logiciel a été mis au point à partir des directives d’interopérabilité de Continua. La collecte des données ne requérait aucune contribution spécifique de la part des cyclistes, exigence de conception évoquée par Bastian Hauck dans sa publication intéressante sur MedPTech Views.

le point de vue des cyclistes diabétiques


Sur le fond c’est intéressant me direz-vous mais concrètement, les avantages d’une telle solution ne vous parlent peut-être pas… laissez-moi vous donner des exemples concrets.

Un jour, je roulais avec une cycliste atteinte de diabète de type 1. Après avoir parcouru une centaine de kilomètres, l’alarme de son glucomètre continu l’a avertie que sa glycémie était en train de chuter. Elle a décidé de ne pas poursuivre ce jour-là. Comme elle me l’a dit plus tard : « Sans ça, j’aurais probablement continué de rouler jusqu’à l’hypoglycémie » (remarque : l’hypoglycémie est un taux insuffisant de glucose dans le sang).

Les répercussions du suivi en temps réel m’ont encore plus sauté aux yeux le lendemain, lorsque nous avons croisé un autre cycliste qui s’était arrêté au bord de la route. Nous lui avons demandé si tout allait bien, et il nous a expliqué que son glucomètre en continu ne fonctionnait plus et qu’il devait donc s’arrêter toutes les 30 minutes pour mesurer son taux glycémique par la méthode traditionnelle, ce qui venait compliquer sa journée et entacher le plaisir de la randonnée.
Quand nous en avons reparlé plus tard, je lui ai demandé si cela changeait son avis sur la solution. Il m’a répondu que non, car les bénéfices compensaient largement l’occasionnelle erreur (en l’occurrence, le capteur s’était détaché).

Parallèlement, nous avions des données à saisir manuellement concernant la nutrition pendant le Tour, mais il était tout à fait évident que les cyclistes ne voulaient tout bonnement pas avoir à le faire, et la demande a été formulée de façon univoque : « Débarrassez-moi des saisies manuelles et rendez toutes mes données disponibles sur le téléphone et sur le web ».

des normes pour faciliter le développement et l'interopérabilité


Revenons à un côté plus technique : l’usage de normes a permis durant le Tour la connexion ininterrompue des dispositifs et des données générées directement dans le cloud.

Il est important de souligner qu’à ce stade précoce, il ne s’agit pas d’un scénario tout ou rien ; il est parfaitement envisageable d’utiliser des capteurs Continua et non-Continua parallèlement et de normaliser les données dans le dispositif mobile.
Cela signifie que les données peuvent être partagées entre différentes plateformes dans un format sémantique et syntaxique fiable pour de nombreux types de dispositifs, ce qui est indispensable pour permettre l’évolutivité des solutions de m-santé et répondre aux préoccupations des patients comme celles exprimées par les cyclistes mentionnés plus haut.

Orange a en 2013 bénéficié d’un temps de développement court, et la solution a pu voir le jour car ont été utilisés des interfaces et des formats de données normalisés. Cela a en effet permis de mettre au point la solution en quelques semaines plutôt qu’en plusieurs mois.

Les usagers exigent de la simplicité et l’interopérabilité des données afin de gérer leur maladie. Les moyens nécessaires sont disponibles et les avantages qu’ils présentent ont largement été illustrés pendant le Tour, en dépit du nombre restreint de capteurs utilisés.

et ce n’est qu’un début...


Malheureusement, nous n’avons pas été en mesure d’en faire autant pour les données des pompes à insuline car les normes relatives à celles-ci ne sont pas encore prêtes, comme l’a souligné Anna McCollister-Slipp en déclarant « À ce jour, tous mes dispositifs médicaux utilisent différents formats de données, différentes normes de données [et] ils ne communiquent pas entre eux ». Dans son article paru dans Forbes, cependant, ce paradigme est en train d’évoluer grâce à la disponibilité d’interfaces et de formats de données normalisés tels que ceux définis par Continua.

La prochaine étape est l’adoption de ces normes par davantage de systèmes de santé (le Danemark et la Norvège ont d’ores et déjà décidé d’utiliser Continua) et l’ajout d’autres types de dispositifs afin de créer un écosystème interopérable de dispositifs personnels de santé connectés, un peu comme les téléphones portables d’aujourd’hui, permettant aux gens de choisir la solution qui leur convient et non celle d’un seul fournisseur.

Je rappellerai pour finir une citation de Paul Buchanan, fondateur de Team Blood Glucose et de la Diabetes Online Community (#doc).
« Avant d’être diagnostiqué, j’avais passé ma carrière dans l’industrie des logiciels B2B et travaillé avec et pour des sociétés comme IBM, CSC, Compuware et Tivioli. En tant que diabétique, j’ai été choqué par le manque d’utilisation des technologies pour la gestion des maladies chroniques et du rôle que la technologie peut jouer, tant pour instruire les diabétiques que pour leur donner les moyens de mieux gérer leur diabète. Le travail accompli à l’occasion du mHealth Grand Tour de 2013 a mis en évidence l’intérêt et les possibilités de générer des applications, des dispositifs et des plateformes capables de changer la vie de millions de personnes dans le monde entier. »

Ian.

 

crédit photo : © narokzaad - Fotolia.com
 

Ian Hay

Je travaille depuis plus de 20 ans dans l’univers des télécommunications, et notamment depuis quelques années sur les problématiques de standardisation et d’interopérabilité. Ces questions sont clef dans le monde de la santé et j’essaye donc de faire avancer la réflexion au sein d’instances représentatives telles que la Continua Health Alliance, de la task force mHealth de la GSMA mais aussi au COCIR et au niveau de l’Union Européenne.