Comment les organisations s’adaptent-elles pour faire face aux crises ?

On résume le monde du travail actuel par l’acronyme VUCA. Il décrit un environnement caractérisé par sa volatilité, son incertitude, sa complexité et son ambiguïté (« Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity » en anglais). Il prend sa source dans l’évolution rapide de nos sociétés, de notre besoin constant de s’adapter face aux périodes de ruptures et de changements, qui sont de plus en plus nombreuses.

La crise sanitaire que nous vivons actuellement met en exergue cette impermanence de nos modes de vie. Elle nous a fait passer du jour au lendemain d’une organisation du travail en présentiel, à une organisation en télétravail continu et obligatoire sur de longues périodes.

Pour faire face à ces changements, les stratégies d’organisation et de management doivent rapidement se réajuster et s’adapter. Les compétences humaines, appelées « softs skills » et tout particulièrement l’intelligence émotionnelle, sont alors des éléments déterminants.

La tolérance à l’incertitude

Contrairement à l’évolution rapide du monde du travail, l’humain a besoin de stabilité et de pouvoir se projeter sur des modèles rassurants, qu’il connaît bien. La pyramide des besoins de Maslow place d’ailleurs la sécurité (donc un environnement de travail stable) au deuxième niveau hiérarchique, juste après les besoins physiologiques.

Cependant, nous ne sommes pas tous égaux sur nos capacités à faire face aux situations de doutes et d’incertitudes. Par exemple, une étude du psychologue néerlandais Geert Hofstede montre que nos réactions à l’imprévu sont fortement influencées par notre culture. Il constate ainsi qu’une entreprise française va plutôt chercher à combattre l’imprévisible, à l’inverse d’une organisation anglo-saxonne.

Notre capacité à sortir d’une zone de confort est aussi très liée à la notion de confiance : confiance en soi et confiance en son management. La confiance en soi permet de ne pas se laisser déstabiliser facilement par l’annonce d’un changement, de rebondir plus vite et finalement de s’adapter à la nouvelle situation. Au contraire, un manque de confiance en soi peut faire vivre chaque petite évolution comme un bouleversement et engendrer un stress paralysant.

Pour ne pas tomber à ce niveau d’angoisse, qui peut d’ailleurs mener jusqu’au burn-out, l’entreprise doit pouvoir créer un espace d’écoute et de bienveillance. C’est le rôle du management. Une évolution dans l’organisation d’une équipe sera bien mieux vécue, même par des collaborateurs peu rassurés, si le management a pris le temps de créer cet espace de dialogue ouvert qui permet de se sentir en confiance. Les leaders doivent ainsi faire preuve d’assurance et surtout d’intelligence émotionnelle.

L’intelligence émotionnelle, au cœur du leadership, surtout en période de crise

Pour rappel, le concept d’intelligence émotionnelle est né il y a plus de 30 ans, et s’est largement démocratisé grâce au chercheur et psychologue Daniel Goleman. C’est l’association de l’esprit rationnel aux émotions. Cette notion intègre l’idée qu’il faut d’abord comprendre ses propres émotions avant de comprendre celles des autres, puis ensuite savoir faire preuve d’empathie et développer ses capacités à nouer des relations sociales.

Comme l’a démontré Daniel Goleman, l’intelligence émotionnelle est à développer chez chacun.e d’entre nous, elle se travaille tel un muscle. Cependant, pour qu’elle soit efficace dans une organisation d’entreprise, elle doit partir d’en haut. Le point de départ d’une culture d’entreprise bienveillante et rassurante, doit venir de la sphère dirigeante.

Les leaders ont le rôle d’inspirer leurs équipes mais aussi d’impulser des changements et créer une vision. C’est aussi vers eux.elles que l’on se tourne en période de crises. C’est donc avant tout un rôle de modèle à suivre afin d’engager les équipes. Cet engagement est possible et plus efficace grâce à l’intelligence émotionnelle. C’est d’ailleurs pourquoi l’intelligence émotionnelle a été identifiée par le forum économique de Davos comme une compétence indispensable à développer à l’horizon 2022.

Si nous prenons l’exemple de ce qu’il se passe avec la pandémie que nous vivons actuellement, elle nous a incités à nous tourner davantage vers nos dirigeant.e.s, attendant d’eux.elles qu’ils.elles nous indiquent le chemin à suivre. Le top management des entreprises a dû questionner et réajuster l’organisation du travail entre présentiel et télétravail, maintenir une cohésion et un lien entre les collaborateurs tout en étant à distance. Un tel bouleversement dans le mode de fonctionnement d’une équipe, implique de tester différentes actions avant de retrouver une organisation qui conviendra au plus grand nombre tout en étant efficace. Il est donc indispensable de savoir être à l’écoute, empathique et rester proche de ses équipes malgré la distance.

Par ailleurs, dans un monde incertain, c’est aussi l’humilité qui s’assure de continuellement remettre en question nos habitudes et interroger l’efficacité de nos méthodes. C’est pourquoi, sans tomber dans le syndrome de l’imposteur (sentiment de ne pas mériter sa place), tout leader doit aussi savoir faire preuve d’humilité. C’est en quelque sorte la garantie de repérer de nouvelles opportunités, de s’adapter à une situation inhabituelle, mais également de garder ses talents.

Composer avec le changement

Les périodes de crises et de transformations se multipliant, les entreprises d’aujourd’hui et de demain doivent composer avec le changement. Comme nous venons de l’expliquer, elles ont un grand rôle à jouer, sinon une obligation, à créer des espaces de confiance, afin d’engager au maximum les collaborateurs dans un nouveau mode de fonctionnement.

Ainsi, pour s’adapter, les organisations développent différentes solutions et concepts en vue d’améliorer le niveau de confiance des équipes, limiter le stress ou même le départ de collaborateurs dans un marché de plus en plus tendu. Par exemple, le nombre de coachs, en particulier ceux spécialisés sur les questions d’intelligence émotionnelle et de développement personnel, sont en constante augmentation depuis quelques années. Les entreprises sont demandeuses de séances de coaching, pour leurs dirigeants comme pour leurs collaborateurs, afin de développer davantage les « softs skills ».

D’autre part, les organisations proposent de nouveaux modèles de réunions ou rencontres afin de favoriser l’expression de chacun. Il est important d’arriver à recréer des espaces de discussions informelles, malgré la distance et le télétravail. En effet, ce sont souvent lors de ces moments d’échanges que nous nous sentons plus libres de partager nos doutes ou inquiétudes. Il est nécessaire d’en parler, afin de nommer et identifier nos émotions et d’y faire face. C’est aussi un moment pour s’interroger sur son propre rapport au risque. Comme l’a démontré Daniel Goleman, on ne peut pas maitriser ses émotions si on ne les comprend pas.

Pouvoir échanger sur ses doutes permet également de se rendre compte de ce qui dépend de nous, mais aussi ce sur quoi nous ne pouvons pas agir. C’est d’ailleurs là un des principes de la philosophie stoïcienne, qui nous enseigne comment mieux accepter les situations telles qu’elles arrivent. Donc pour s’éviter des charges mentales inutiles, on a plutôt intérêt à savoir repérer ce sur quoi agir et ce sur quoi lâcher prise.

Enfin, si les périodes de rupture dans les méthodes ou organisations du travail peuvent faire peur, elles sont aussi les seules qui nous permettent d’évoluer et de remettre en question une habitude. On le voit actuellement avec l’exemple du télétravail. Travailler à distance était déjà possible avant l’arrivée du Covid, mais beaucoup d’entreprises étaient plutôt frileuses à sa mise en place. Les nombreuses études sur le sujet démontrent finalement de multiples avantages à son adoption, notamment un gain de productivité (e.g. étude de l’institut Sapiens réalisée en 2020). On se pose maintenant la question dans beaucoup de sociétés si le télétravail ne serait pas en passe de devenir la norme, et non plus l’exception.

Conclusion

L’humain a plutôt tendance à rechercher la stabilité, mais la tolérance à l’incertitude se travaille, de manière individuelle, à travers le développement de son intelligence émotionnelle et à l’échelle de l’entreprise par un management bienveillant et à l’écoute.

Les enjeux de confiance et d’adaptation sont d’autant plus importants que les transformations de nos modes de vie sont loin d’être terminées. Cela ne se limite pas à l’arrivée de la Covid 19 ou de nouvelles innovations. A l’image de la question écologique et de la réduction de nos émissions carbones, cela impliquera nécessairement de réfléchir à une (r)évolution du système et cela, notamment dans l’organisation du travail. Enfin, notons qu’en général, plus on attendra avant de mettre en place un changement, plus celui-ci deviendra considérable à gérer ultérieurement.

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Margot LAMBERT

Consultante Seniore chez Orange Consulting, j'accompagne mes clients sur leurs projets de transformations IT et réseaux. En parallèle, je suis passionnée de développement personnel et de l’étude des nouveaux modes de management.