Microsoft, le pari

Voici le second article de notre série consacrée aux stratégies des acteurs du cloud computing. Nous allons nous intéresser à Microsoft, acteur incontournable du paysage informatique mondial. Microsoft est une société particulière à plus d'un titre. Elle a ses fans et ses détracteurs. Pour ces derniers, Microsoft représente le capitalisme à l'américaine, dominateur, sans partage, dans lequel tous les coups sont permis. Microsoft a souvent, dans son histoire, étouffé ses adversaires (les plus anciens se souviendront de Netscape). À ce propos, le parallèle avec Apple est assez intéressant : Apple, plus forte capitalisation boursière au monde, a conservé un capital sympathie intact auprès du grand public.

Microsoft a démocratisé l'informatique

Cependant, il faut rendre à Microsoft ce qui lui appartient : Microsoft a démocratisé l'informatique, l'a rendu accessible au plus grand nombre, a permis à toute une industrie d'exister (PC, périphériques, éditeurs de logiciels). Aujourd'hui, nous n'en serions pas là sans l'empreinte de Microsoft sur l'informatique grand public.
Autre force de la société, sa réactivité : Microsoft n'est pas souvent en "pole position" dans les phases de ruptures des marchés. Mais, comme en Formule 1, l'essentiel est de gagner la course, peu importe la position sur la grille de départ !

Microsoft et le cloud

Microsoft a bâti un business model centré sur deux activités, les OS (systèmes d'exploitation) et les suites logicielles. Toutes les autres technologies sont érigées en lignes de défense des deux principales. Tout allait bien avant le cloud mais, comme souvent, les moments de calme précèdent souvent les tempêtes !

Et voilà qu'un moteur de recherche se lance dans des applications bureautique en ligne quasiment gratuites, voilà que les clients rechignent à migrer vers les nouvelles versions, voilà que l'informatique s'est trouvé un nouveau paradigme, le cloud. Et la mauvaise nouvelle fut que la pratique de l'étouffement ne fonctionnait pas avec ses nouveaux acteurs : ils avaient un business model différent de celui de Microsoft.

le changement culturel pour Microsoft

Il y a plusieurs années, je me souviens du désarroi des personnes de Microsoft. Ils envoyaient des émissaires auprès des fournisseurs de service pour comprendre leurs métiers. J'imagine facilement la difficulté des personnes s'occupant du cloud a cette époque, face aux puissantes divisions produits. Mais quand le sujet cloud est apparu sur le radar de leur CEO, tout a changé !

Encore une fois, Microsoft a mis en œuvre une machine de guerre pour revenir dans la course. Réorganisations, embauches massives, investissements importants (on parle de plus de 500 millions de dollars par an investis dans le cloud), mise en place d'une stratégie cloud ont permis à Microsoft de revenir dans la course. Pour autant, la donne est différente : dans le cloud, Microsoft n'est pas un leader, il est au niveau de ses adversaires. Pour une société habituée à dominer ses marchés, c'est un changement culturel important.

Microsoft, le pari

Dans ce nouveau paysage qu'est le cloud, Microsoft va devoir se battre avec des adversaires d'un genre nouveau. Et ils sont nombreux vu de le nombre de marchés adressés par l'entreprise.

  • dans le domaine du poste de travail, chasse gardée historique de la société, des alternatives apparaissent : la virtualisation, le multi-device, l'html5
  • dans le domaine des applications, une nouvelle génération d'applications arrivent sur le marché : elles sont multi-tenant, conçues pour fonctionner via des réseaux longue distance. Comment transformer des applications mono-client conçues pour fonctionner sur des réseaux locaux !
  • dans le domaine des mobiles, Microsoft doit faire face à un adversaire redoutable, Google. Google et non pas Apple car Google a repris le modèle appliqué par Microsoft sur les PC, à savoir , un modèle de licence distribuée auprès de tous les fabricants de terminaux.
  • Enfin, sur le modèle cloud, le pari comporte des enjeux considérables pour l'avenir de la société : nouvelle chaîne de valeur, nouvelle distribution, compétition sévère, enjeux financiers (passer d'un modèle licence à un modèle récurrent), enjeux industriels, gestion de la transition.

Comment absorber toutes ces ruptures dans une organisation issue du monde IT ? Je me garderais bien de répondre à cette question, les prochaines années seront décisives pour Microsoft.

Daniel Chiossi

crédit photo © Sergej Khackimullin - Fotolia.com

Daniel Chiossi

Depuis 2010, je suis le directeur marketing du programme Cloud Computing d'Orange Business. Particulièrement attiré par l'innovation, le cloud m'a choisi assez naturellement ! Cette fonction me permet de côtoyer de nombreux acteurs du cloud, de lire "entre les lignes" leur stratégie, de mesurer l'ampleur de la rupture. Les start-up ont ma sympathie, elles portent  en grande partie l'innovation du cloud. J'ai fait mienne cette citation de Steve Jobs : " Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d'autrui."