La transformation digitale au cœur de la réinvention des métiers de l'IT

La définition des termes de compétence, métiers et savoir-faire est cruciale, notamment en IT. En appréhender la réelle signification permet de mieux comprendre et se préparer aux défis en terme d’emploi sur le marché de l’IT. D’autant que d’ici 2020 environ 900 000 emplois seront manquants en Europe alors que le marché redéfini par le digital bouleverse nos modèles économiques.

Le CIGREF en France, et l’Union Européenne ont, chacun à leur manière, entamé depuis quelques années un travail de définition et de référencement des métiers et des compétences de l’IT et du digital. Ces approches, métiers et compétences sont aujourd’hui en train de converger. Explications.

Métiers, compétences, savoir-faire, savoir-être : remise à plat des concepts 

Avant tout, il est nécessaire de bien clarifier les concepts de métier et de compétence. Lorsque l’on recherche par exemple un chef de projet cloud, on cherche avant tout un métier, chef de projet, aux compétences particulières, ici Cloud. Une compétence ne définit donc pas à elle seule un métier (un chef de projet peut avoir des compétences en architecture sans pour autant être architecte) et un métier agrègera plusieurs compétences qui peuvent changer (chef de projet web il y a 10 ans, Cloud, Big data et objets connectés aujourd’hui, Blockchain demain…)

L’Europe définit une compétence comme « une capacité démontrée à appliquer des connaissances, des savoir-faire et des savoir-être en vue d’obtenir des résultats observables ». Un métier regroupe donc plusieurs compétences nécessaires à l’accomplissement de missions effectuées dans le cadre de ce métier.

Ce concept de compétence introduit trois termes régulièrement confondus :

  • Les connaissances. Elles sont constituées des « savoirs requis par un métier ou acquis par une personne par la formation et/ou l’expérience, sanctionnés ou non par un diplôme ». C’est un terme large qui englobe à la fois la connaissance théorique et l’expérience ;
     
  • Le savoir-faire. Un « ensemble d’habiletés de différentes natures permettant de résoudre des problèmes plus ou moins complexes d’une situation de travail avec efficacité (qualité, délai, etc.) ». Le terme est plus restreint que celui de la connaissance et directement lié à l’accomplissement d’une tâche ; son synonyme le plus souvent utilisé est « l’expérience » ;
     
  • Le savoir-être. Le concept qui regroupe un « ensemble de démarches et processus cognitifs (ex. : capacité d’analyse, de diagnostic, de synthèse, ...), affectifs, relationnels et physiques mobilisés par la mise en œuvre des savoir-faire ». Ce terme vient compléter les deux précédents avec des qualités davantage personnelles et intrinsèques.

Ces définitions ont été validées consensuellement par les représentants des différents pays européens malgré des approches culturelles très différentes. Le CIGREF, comme ses amis allemands, a établi une nomenclature des métiers répondant aux besoins des entreprises alors que l’Union Européenne a opté, dans un premier temps, pour une approche plus anglo-saxonne centrée sur un référentiel des compétences. Mais les choses changent, sous l’impulsion de la transformation digitale.

La transformation digitale redistribue les cartes

Décrire un métier est un processus long par rapport à une situation en constante redéfinition, du fait de l’évolution rapide de l’IT et du numérique. Pendant des décennies, l’informatique a vu ses métiers peu évoluer, même si leurs périmètres et compétences se renouvelaient constamment en exigeant des professionnels qu’ils se remettent à niveau. Toutefois, les missions ne changeaient pas.

Le digital quant à lui vient modifier les règles du jeu. Les rôles des acteurs (IT et business) des projets sont redéfinis avec l’agile, les développements sont bouleversés avec DevOps, la gestion de l’infrastructure est révolutionnée par le IaaS et le PaaS, le Cloud, le big data et l’Intelligence Artificielle remet en selle les développeurs. Le rythme des projets est propulsé par l’innovation et l’imagination des utilisateurs : les changements ne font que commencer.

Le CDO, archétype du métier nouveau qui change avant d’avoir été figé

Autre exemple emblématique, le CDO, ou Chief Digital Officer. Chef d’orchestre de la transformation numérique de l’entreprise, il intervient pour aider les acteurs, dont le DSI et les directions business, à mener ensemble le projet de transformation de l’entreprise. C’est un facilitateur et animateur de la transformation. A terme, sur la partie SI, ce sera le DSI qui reprendra la main, car si le rôle de CDO est essentiel, il n’est que transitoire. A noter que ces changements interviennent sur une période très courte de 3 ans à peine.

Le temps long du consensus des référentiels métiers

A l’opposé, le travail de nomenclature, crucial, est beaucoup plus lent, établi par consensus par exemple au CIGREF. Les titres donnés aux fiches évoluent au fil du temps. Il sert notamment aux responsables RH, aux professionnels pour analyser le marché du travail, aux recruteurs et aux responsables pédagogiques qui les utilisent pour cadrer leurs formations en termes de compétences et de débouchés métiers. Dans tous les cas, les approches métiers et compétences sont aujourd’hui complémentaires.

 

Sous la pression de la transformation digitale, les deux approches des référentiels métiers et compétences convergent car elles sont complémentaires

J’observe aussi une double évolution convergente. D’un côté, l’Europe s’intéresse à l’approche par les métiers qui peut paraître exotique dans certains pays comme le Royaume-Uni, mais l’usage de ces définitions de métiers est crucial pour combler l’espace entre demande et offre dans le marché de l’emploi en IT. D’autre part, la France évolue vers des approches compétences volontairement inscrites en complémentarité de celle de l’Europe. Quel que soit son niveau de granularité, cartographier un monde qui bouge n'est pas aisé, mais c’est une étape indispensable à sa compréhension.

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Frédéric Lau

Directeur de mission au CIGREF, j’accompagne la communauté des entreprises utilisatrices du numérique dans leurs réflexions sur leur transformation numérique et son impact sur l’évolution du SI. J’anime des communautés de pratiques et des réseaux de professionnels du numérique (DSI et collaborateurs) sur les domaines de l’innovation, des nouvelles architectures liées au numériques, Cloud, BigData, objets connectés, de l’Open Source, mais aussi sur les domaines des Ressources Humaines, des achats IT et des réseaux sociaux d’entreprise. Expert auprès de la Communauté Européenne, je participe aussi à plusieurs projets européens sur la définition et le développement des compétences numériques et métiers IT en Europe. En marge de mon activité professionnelle, je suis aussi membre du Comité d’Organisation du G9+ en tant que responsable du Cycle RH.