Entreprises françaises : l'indépendance du cloud dépend de vous !

Comme j’ai pu l’exprimer précédemment sur ce blog, l’indépendance du cloud français est un enjeu majeur de notre économie et de nos sociétés. On aurait tort de le réduire à un simple débat patriotique. Il faut en effet bien comprendre ces enjeux et en revenir aux faits. J'ai parlé de ce sujet lors d’un Webinaire qui vous pouvez revivre en replay.

 

Le cloud n’est plus une option, l’opérateur et sa localisation l’est encore

Savoir si l’on doit recourir au cloud computing est une question qui ne se pose plus. Une étude de Markess rapportait en 2016 que 100 % des grandes entreprises, 75 % des ETI et un peu plus d’une PME sur deux utilisaient une forme de cloud computing.

La localisation de ces plateformes est souvent transparente aux yeux des entreprises. Certains hébergeurs avancent même ne pas savoir où les données sont stockées. Celles-ci seraient régies par des algorithmes cachés, secrets et dédiés au stockage aléatoire et fragmenté des données. Je ne sais pas si cela doit nous rassurer, car la localisation des données et des plateformes joue un rôle véritablement considérable. À l’heure où l’on annonce l’avènement du RGPD (Règlement Général de Protection des Données), ces enjeux sont plus importants que jamais.

Un OIV fait son marché aux USA

Et pourtant, j’ai assisté récemment à une conférence où un représentant d’une grande banque narrait son expérience de cloud computing sur une plateforme publique située aux USA. Impossible pour un établissement bancaire régulé de se servir en ligne sans précautions. Il leur a fallu renégocier les contrats pour les adapter au droit français et aux exigences du régulateur, ce qui n’a pas été simple. Malgré cela, des menaces sérieuses pèsent sur ce choix fait par une entreprise considérée comme un OIV. Ce cas est symptomatique à mon avis : il ne verra peut-être pas le jour, mais peut-on vraiment croire que le même service ne pouvait être rendu par un acteur local ?

Il serait ainsi erroné, à mon avis, de considérer cette question de l’indépendance du cloud comme une question formelle de patriotisme économique – et donc à la fois déplacée et surannée à l’heure de la mondialisation. Bien au contraire, il s’agit d’une question légitime car les clients ont une nette responsabilité dans ces choix qui comportent des enjeux majeurs de sécurité et de préservation des données.

Les GAFAM fournisseurs de cloud et leurs logiques de plateformes

Ces derniers temps, les acteurs américains de l’Internet ont multiplié les projets d’accès au réseau des réseaux à l’échelle mondiale : Facebook avec le projet Internet.org, imité par Google avec project Loon. SpaceX y songe également, avec le lancement d’une constellation de satellites (le 1er sera lancé en 2019). Ces initiatives sont-elles de véritables bonnes actions ? Il est crucial de savoir concrètement ce qui les sous-tend. Derrière des buts humanitaires, force est de constater que des intérêts stratégiques sont en jeu. Les sites Internet des GAFAM sont pour la plupart devenus des plateformes clairement destinées à conserver l’utilisateur dans leur écosystème, par exemple Facebook, qui ouvre les liens externes dans son application mobile plutôt que sur les navigateurs classiques. Ses projets de geofencing, de e-commerce, et de paiement démontrent que le géant ne se contente pas seulement du rôle de réseau social n°1. Google et Amazon suivent le même chemin.

Le législateur quant à lui, est dépassé par la technologie. Il régule à juste titre les opérateurs de télécommunications, mais ne peut empêcher les acteurs de l’Internet de proposer un Internet à la carte. Un traité international serait nécessaire pour cela mais rien n’est encore prévu, et la mise en place d’un tel projet prendrait de longues années.

Ces menaces qui pèsent sur l’Internet public ne sont pas anodines et concernent aussi et surtout les entreprises et leurs clouds. Derrière ces projets, de forts enjeux d’indépendance – et même de liberté économique – existent, qui sont autant de risques pour le développement de nos entreprises.

Face à cette menace, les clients entreprises français sont responsables

Dans le but de combattre cette menace, l’indépendance du cloud peut-elle fonctionner, dans un monde globalisé ? Des efforts sont possibles. D’une part les fournisseurs de cloud français obéissent aux normes locales garantissant la sécurité, la confidentialité et la disponibilité des données. Les OIV en France sont régulés par l’ANSSI : le cadre technique réglementaire est clair et strict et n’est pas compatible avec les architectures des clous publics des « hyperscalers ». 

Mais cela n’est pas suffisant : pour faire face à ce possible enfermement et garantir l’indépendance du cloud, il est nécessaire que les hébergeurs cloud soient soutenus par leurs clients, qui ont tout intérêt à avoir un hébergeur local qui a les moyens d’innover et d’étendre son offre pour rivaliser avec la concurrence étrangère. Il est en effet encore temps d’affirmer l’indépendance du cloud, si l’écosystème du numérique réagit en conséquence. C’est dans l’intérêt du pays, certes, mais aussi et surtout dans l’intérêt économique de vos entreprises.

 

Pour aller plus loin

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Didier Renard

Je suis Deputy Managing Director d’Orange Cloud for Business après avoir été président de Cloudwatt. Après 12 ans chez IBM dans des fonctions Finances, Ventes et Marketing et 9 ans dans le groupe Crédit Agricole comme DSI de Finaref puis du pôle Services Financiers Spécialisés, je crée l’un des tous premiers Cloud Service Broker pure player en France en 2009. INSEEC, ESCP, je suis aussi diplômé de la Singularity University et du Stanford Technology Venture Program.